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La rente est un des principaux moyens de placement des capitaux matériels. La valeur s’en règle, par conséquent, sur la masse des capitaux qui se trouvent dans le pays, et sur les rapports entre l’offre et la demande. L’abondance des capitaux que le commerce extérieur et intérieur réunit dans une nation manufacturière, le faible taux de l’intérêt et cette circonstance que, chez un peuple manufacturier et commerçant, un grand nombre d’individus enrichis cherchent constamment à placer dans la terre leur excédant de capital matériel, élèvent chez un pareil peuple le prix d’une même quantité de rente territoriale beaucoup au-dessus de ce qu’elle est dans un pays purement agricole. En Pologne la rente de la terre se vend 10 ou 20 fois, en Angleterre 30 ou 40 fois son montant.

De même que la valeur en argent de la rente de la terre est plus élevée chez la nation manufacturière et commerçante que chez la nation agricole, la valeur en argent des terres est aussi plus considérable. À égale fertilité naturelle, la valeur des terres est 10 ou 20 fois plus élevée en Angleterre qu’en Pologne.

Cette influence des manufactures sur la rente, et, par suite, sur la valeur échangeable de la terre, Adam Smith la signale, à la fin du IIe chapitre de son premier livre, mais seulement en passant et sans mettre convenablement en lumière l’immense importance des manufactures à cet égard. Il distingue dans cet endroit les causes qui agissent directement sur l’élévation de la rente, telles que les améliorations agricoles et l’augmentation du bétail en quantité et en valeur échangeable, d’avec les causes dont l’opération est indirecte, et il range les manufactures parmi ces dernières. Ainsi les manufactures, qui sont la cause principale de l’élévation de la rente ainsi que de la valeur de la terre, sont mises par lui sur l’arrière-plan, de manière à être à peine aperçues, tandis que les améliorations foncières et l’accroissement du bétail, qui sont en majeure partie l’effet des manufactures et du commerce que celles-ci font naître, leur sont préférés, ou du moins opposées comme causes principales. Adam Smith