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minologie, elle les transporte à son gré d’une branche de travail à une autre. Ainsi Say conseille aux Anglais de consacrer à l’agriculture leur capital manufacturier. Il n’a pas expliqué comment pouvait s’opérer ce miracle, et, jusqu’à ce jour, c’est encore un secret pour les hommes d’État de l’Angleterre. Évidemment Say a confondu ici le capital privé avec le capital national. Un manufacturier ou un négociant peut retirer ses capitaux de l’industrie manufacturière ou du commerce, en vendant sa fabrique ou ses navires et en achetant avec le prix de vente une propriété foncière ; mais une nation tout entière ne saurait exécuter cette opération que par le sacrifice d’une grande partie de ses capitaux matériels et intellectuels. La raison pour laquelle l’école a obscurci ce qui était si clair est manifeste. Quand on appelle les choses par leur véritable nom, on comprend sans peine que le déplacement des forces productives d’une branche de travail à une autre est soumis à des difficultés qui, loin d’appuyer toujours la liberté du commerce, fournissent souvent des arguments en faveur de la protection[1].

  1. Il n’est pas seulement difficile pour une nation de passer d’une industrie à une autre, et de déplacer son capital, c’est absolument impossible. Un manufacturier peut vendre sa fabrique pour s’adonner à l’agriculture ; cent ou mille individus peuvent le faire et changer ainsi d’occupation, mais l’industrie du pays n’aura pas pour cela éprouvé de changements. Le capital manufacturier consiste principalement en vastes édifices, entourés de logements pour les ouvriers, en machines et instruments ayant un emploi tout spécial, il ne saurait être appliqué à l’agriculture. Quand une nation a été mise hors d’état de fabriquer, les ouvriers peuvent trouver quelque autre occupation, quoique l’expérience enseigne qu’en pareil cas ils succombent par milliers : mais le capital placé dans les édifices et dans les machines est entièrement perdu. Et lorsque des hommes exercés au travail du fer et du coton, de la laine et de la soie sont obligés de gagner leur vie dans d’autres métiers, il s’est fait une perte énorme de puissance productive, leur habileté et leur expérience étant devenues inutiles. (S. Colwell.)