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son époque pour qu’il lui fût possible de la démontrer clairement. En contradiction avec le système chimérique des physiocrates, il a soutenu que la Pologne eût été plus heureuse si elle avait complètement renoncé au commerce extérieur, c’est-à-dire si elle avait créé chez elle une industrie manufacturière, mis en œuvre ses matières brutes et consommé ses denrées alimentaires[1]. C’est seulement par le développement des manufactures, au moyen de villes libres, bien peuplées, industrieuses, que la Pologne pouvait parvenir à une forte organisation intérieure, à la possession d’une industrie, d’une liberté, d’une richesse nationales, qu’elle pouvait conserver son indépendance et maintenir sa prépondérance politique sur les peuples moins cultivés de son voisinage. Au lieu de produits manufacturés, elle aurait dû, comme l’Angleterre à l’époque où elle se trouvait a un degré de culture analogue, importer de l’étranger des manufacturiers et des capitaux. Mais ses nobles préférèrent expédier au dehors le fruit pénible du travail de leurs serfs, et se vêtir des étoffes belles et peu chères de l’étranger. Leur postérité peut aujourd’hui répondre à cette question, si l’on doit conseiller à une nation d’acheter les produits des fabriques étrangères, tant que ses propres fabriques ne sont pas capables de lutter contre celles-ci pour le prix et pour la qualité. Que la noblesse des autres pays se rappelle leur destinée, chaque fois qu’elle sera prise de démangeaisons féodales ; qu’elle jette ensuite les yeux sur la noblesse anglaise, pour apprendre combien une puissante industrie manufacturière, une bourgeoisie libre et d’opulentes cités procurent d’avantages aux grands propriétaires territoriaux.

  1. « Si la Pologne ne commerçait avec aucune nation, ses peuples seraient plus heureux. Ses grands, qui n’auraient que leur blé, le donneraient à leurs paysans pour vivre ; de trop grands domaines leur seraient à charge, ils les partageraient à leurs paysans ; tout le monde trouvant des peaux ou des laines dans ses troupeaux, il n’y aurait plus une dépense immense à faire pour les habits ; les grands, qui aiment toujours le luxe, et qui ne le pourraient trouver que dans leurs pays, encourageraient les pauvres au travail. » (Esprit des lois, liv. XX, chap. xxiii.)