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Si les restrictions à l’importation des produits agricoles nuisent, comme nous l’avons vu, à l’emploi des richesses et des forces naturelles, les restrictions à l’importation des produits fabriqués, dans un pays populeux, déjà suffisamment avancé dans son agriculture et dans sa civilisation, appellent à la vie et à l’activité une multitude de forces naturelles, qui, dans un pays purement agriculteur, restent constamment inactives et mortes, Si les restrictions à l’importation des produits agricoles arrêtent le développement des forces productives, non-seulement dans l’industrie manufacturière, mais encore dans l’agriculture, l’industrie manufacturière créée dans le pays à l’aide des restrictions sur les produits fabriqués anime toutes les industries rurales bien au-

    rière du pays qu’elle doit attendre une féconde impulsion. Mais, si la prospérité de l’industrie manufacturière n’agit favorablement sur l’agriculture, la prospérité de l’agriculture ne doit-elle pas réagir tout aussi bien sur l’industrie manufacturière ? Une nation ne peut-elle pas avoir un grand intérêt à acclimater chez elle une nouvelle industrie rurale, ou même à en relever une ancienne que la guerre ou d’autres causes ont affaiblie ? Pourquoi ne les soutiendrait-elle pas dans le commencement de la même manière qu’elle vient en aide aux premiers efforts du travail manufacturier ?
      En thèse générale, la protection douanière ne doit pas plus être refusée à l’agriculture qu’à l’industrie manufacturière. Cependant, il faut en convenir, elle doit lui être dispensée avec beaucoup plus de réserve. L’agriculture n’est pas exposée aux mêmes vicissitudes ni aux mêmes périls ; elle est le plus souvent protégée par la nature même qui a réduit pour elle la concurrence étrangère dans les plus étroites limites ; les produits agricoles ne s’obtiennent qu’en quantités assez bornées eu égard aux besoins, et le transport en est généralement difficile et coûteux. De plus, tandis que, sur les articles fabriqués, les profils des capitalistes sont ramenés au taux commun et les prix abaissés au niveau des prix étrangers par la concurrence intérieure. L’inégale fertilité du sol diminue, à l’égard des produits ruraux ; les effets de cette concurrence, et la mise en culture de terrains nouveaux ne font souvent qu’assurer des rentes élevées aux propriétaires des terrains les plus favorisés.
      L’opinion de l’auteur sur cette matière n’était pas, du reste, aussi absolue qu’elle le paraît ici. Depuis que cet ouvrage est en cours d’impression, j’ai eu sous les yeux un écrit qui date de 1846, et dans lequel List a bien voulu consacrer plusieurs pages à mon livre de l’Association douanière allemande. Au reproche que je lui avais adressé de refuser toute protection douanière à l’agriculture, il répond en déclarant qu’il admet à cette règle générale des exceptions qu’il avait omises dans le Système national. (H. R.) (Note de la première édition.)