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commerce des hommes n’exigent habituellement de lui que peu d’efforts intellectuels et qu’une médiocre dextérité. Il s’instruit par l’exemple dans le cercle étroit de la famille où il a reçu l’existence, et l’idée lui vient rarement qu’on pourrait travailler autrement et mieux. Depuis le berceau jusqu’à la tombe il se meut constamment dans le même cercle étroit de personnes et de relations. Les exemples d’une prospérité éclatante due à des efforts extraordinaires frappent rarement ses regards. La propriété, comme la misère, se transmet sous ce régime de génération en génération, et presque toute la force productive que crée l’émulation est annihilée.

La vie des manufactures est essentiellement différente. Rapprochés les uns des autres par leurs occupations, les manufacturiers ne peuvent vivre qu’en société et par la société, dans le commerce et par le commerce. Toutes les denrées alimentaires et toutes les matières brutes qui leur sont nécessaires, ils les achètent sur le marché, et ce n’est que la plus faible part de leurs produits qu’ils réservent pour leur consommation. Tandis que l’agriculteur compte principalement sur les bienfaits de la nature, la fortune, l’existence même du manufacturier dépend surtout du commerce. Tandis que le premier ne connaît pas son consommateur ou du moins se préoccupe peu de son débouché, le second ne vit que par sa clientèle. Les cours des matières brutes, des denrées alimentaires, de la main-d’œuvre, des marchandises fabriquées et de l’argent, varient sans cesse ; le manufacturier ne sait jamais avec exactitude quel sera le montant de ses profits. Les faveurs de la nature et un travail ordinaire ne lui assurent pas l’existence et le bien-être comme à l’agriculteur.

C’est son intelligence et son activité seules qui les lui donneront. Il doit travailler à acquérir le superflu pour être sûr du nécessaire, à devenir riche pour ne pas tomber dans la pauvreté. S’il est un peu plus prompt que les autres, il réussit ; un peu plus lent, sa ruine est certaine. Il a constamment à acheter et à vendre, à échanger, à négocier. Partout il est aux prises avec les hommes, avec des rapports variables,