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pas les merveilles de l’industrie moderne ! Ingrats qui méconnaissent ses bienfaits ! Insensés qui détruiraient de gaieté de cœur le fruit glorieux de tant de labeur et de tant de génie !

Lorsque le sophisme et l’anarchie avaient envahi les ateliers et répandaient l’effroi dans les rues, on ne s’étonne pas que les adversaires de l’industrie manufacturière aient trouvé de l’écho ; mais il est permis aujourd’hui d’envisager les choses avec plus de sang-froid. Exagérez autant que vous le voudrez les maux qui servent de cortège à l’industrie manufacturière, et je conviens de leur gravité ; auriez-vous donc espéré qu’elle dût verser sur nous un torrent de joies sans mélange, et que ses prospérités fussent soustraites aux vicissitudes de la condition humaine ? On lit dans l’Esprit des lois : « Aureng-Zeb, à qui l’on demandait pourquoi il ne bâtissait point d’hôpitaux, dit : Je rendrai mon empire si riche, qu’il n’aura pas besoin d’hôpitaux. » Il aurait fallu dire : Je commencerai par rendre mon empire riche, et je bâtirai des hôpitaux. » Nos grandeurs industrielles, en effet, comme toutes les autres, sont mêlées de misères inévitables. Est-ce donc que l’agriculture serait exemple de souffrances ? Un bras de mer sépare le paupérisme agricole du paupérisme manufacturier. Au lieu de se répandre en lamentations sur des plaies trop douloureuses, n’est-il pas plus sage de chercher à les adoucir ? Sont-elles absolument irrémédiables ? Une ville de fabrique est-elle nécessairement le foyer de tous les vices ? Lowell n’offre-t-il pas le spectacle de la plus pure moralité au milieu de vastes et florissantes manufactures ?

Les contrées qui n’ont d’autre ressource que l’agriculture sont dans un état voisin de la barbarie, et les grandes calamités ne leur sont pas pour cela épargnées. L’industrie manufacturière ouvre une nouvelle ère pour la civilisation, pour l’agriculture, en particulier, qui, jusque-là, est languissante, et qu’un nouvel et vaste débouché ranime. La détruire chez nous, ce serait faire rétrograder la civilisation de plusieurs siècles, ce serait porter un coup mortel à l’agriculture, cet objet exclusif de la sollicitude des mêmes personnes qui ont