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quefois une pénible nécessité ; un système protecteur éclairé réserve les encouragements publics au travail riche d’avenir. Le travail n’a vis-à-vis des gouvernements qu’un seul droit à faire valoir, celui de n’être pas brusquement abandonné après avoir été soutenu.

Afin de décrier la protection et de la rendre odieuse à des esprits effrayés, on a fait un étrange abus des mots socialisme, droit au travail, atteinte à la propriété. Je ne veux parler que de ce qui s’est dit en ce genre de l’autre côté du Rhin, et je me bornerai à un seul exemple. Un ministre habile, M. de Bruck, le lendemain d’une grande révolution, opère dans la monarchie autrichienne des réformes considérables ; après avoir fait tomber les barrières qui séparaient l’empire en deux moitiés, il remplace un système prohibitif, qui a une soixantaine d’années de date, par un système de simple protection ; des amis éclairés de la liberté commerciale eussent battu des mains ; des hommes qui marchent sous la bannière de cette liberté n’ont pas craint de qualifier le nouveau tarif de l’Autriche de révolte audacieuse contre la propriété. Toute opinion a ses sectaires ; c’est le même fanatisme économique qui a inspiré cette formule que j’ai lue, de mes propres yeux lue, dans une feuille allemande : Le libre échange est un onzième commandement de Dieu (Die Handelsfreiheit ist ein eilftes Gebot).

Des philanthropes imputent à la protection douanière tous nos malheurs ; chaque fois que le sol tremble, c’est la faute de la protection comme c’était dans un autre temps la faute de Voltaire et de Rousseau. Ils lui en veulent surtout d’avoir doté la France de l’industrie manufacturière. L’industrie manufacturière avec ses grèves d’ouvriers et les désordres de toute espèce qui l’accompagnent, est pour eux un objet d’horreur ; c’est, dans notre société, la partie malade, le principe de dissolution et de mort. Pour sauver le corps social de la gangrène, ils souscriraient avec joie à l’amputation d’un membre vicié, à l’extirpation d’un germe funeste, à la destruction des manufactures en un mot : Aveugles qui ne voient