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genre humain, l’école a parfaitement raison du point de vue où elle s’est placée. Dans l’hypothèse de l’association universelle, toute restriction à un commerce honnête entre des pays différents paraît déraisonnable et nuisible. Mais, tant que d’autres nations subordonneront les intérêts collectifs de l’humanité à leurs propres intérêts, il sera insensé de parler de libre concurrence entre individus de nations différentes. Les arguments de l’école en faveur de la libre concurrence ne sont donc applicables qu’aux relations des habitants d’un seul et même État. Une grande nation doit, par conséquent, s’efforcer de former un tout complet qui entretienne des relations avec d’autres unités de même espèce, dans la limite que comportent ses intérêts particuliers comme société ; or, on reconnaît que ces intérêts sociaux différent immensément des intérêts privés de tous les individus de la nation, si l’on envisage chaque individu isolément et non comme membre de l’association nationale, si, à l’exemple de Smith et de Say, on ne voit dans les individus que des producteurs et des consommateurs et non des citoyens ou des nationaux. En cette qualité, les individus n’ont nul souci de la prospérité des générations futures ; ils trouvent absurde, ainsi que Cooper nous l’a déjà démontré en effet, qu’on travaille à acquérir au prix des sacrifices certains du moment un bien encore incertain et placé dans les vastes lointains de l’avenir, quelque précieux qu’il soit d’ailleurs ; la durée de la nation leur importe peu ; ils abandonnent les navires de leurs négociants à l’audace des pirates ; ils s’inquiètent peu de la puissance, de l’honneur et de la gloire du pays ; tout au plus peuvent-ils prendre sur eux de s’imposer quelques sacrifices matériels pour élever leurs enfants et pour leur faire apprendre un métier, pourvu que les jeunes gens soient mis au bout de quelques années en état de gagner eux-mêmes leur pain.

Dans la théorie régnante, en effet, l’économie politique ressemble tellement à l’économie privée, que J.-B. Say, lorsque, par exception, il permet à l’État de protéger l’industrie nationale, y met cette condition, qu’il y ait apparence qu’au