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tant moins que c’est aux capitaux et au travail de tous et non pas de telles ou telles personnes qu’il ouvre ainsi un nouveau champ, et que la plupart de ceux qu’il favorise, par conséquent, sont pour lui des inconnus.

La justice n’est pas moins blessée, dira-t-on, d’avantages que les producteurs obtiennent aux dépens des consommateurs. Mais, ce que l’intérêt général exige peut-il être contraire à la justice, à moins qu’on ne parle de cette justice absolue qui a été qualifiée de souveraine injustice ? Le sacrifice des consommateurs consiste à payer quelque temps certaines marchandises un peu plus cher ; quel est donc l’avantage des producteurs ? C’est, dans le commencement, la sécurité nécessaire aux tâtonnements et aux risques du début, et, pour ceux qui réussissent, un surcroît de profits. Mais, au bout d’une assez courte période, tous les traités d’économie politique le répètent, ces bénéfices élevés sont abaissés par la concurrence intérieure au taux commun des profits dans la contrée ; tel est du moins le cas pour toutes les industries dans lesquelles la concurrence intérieure s’exerce sans obstacle naturel ou artificiel, c’est-à-dire pour les manufactures en général. Ainsi les industriels protégés, ces privilégiés, ces infâmes spoliateurs, se voient bientôt replacés sous la loi commune, et la nation s’est enrichie d’un élément durable de prospérité.

Cet encouragement, par lequel une nation paie, dans son intérêt bien ou mal entendu, les frais d’éducation d’une industrie nouvelle, que peut-il avoir de commun avec le droit au travail ? La protection douanière ne constitue un droit pour personne ; il n’appartient à aucun particulier de la réclamer à ce titre ; les gouvernements sont toujours libres de la donner ou de la refuser. Parmi les devoirs des gouvernements envers le travail, on doit ranger celui d’en accroître, en tant qu’ils le peuvent, la vertu productive, de l’animer, d’en étendre le domaine, ce qui est le but du système protecteur ; mais ils ne sont nullement chargés d’assurer à chacun du travail, par la protection ou autrement. Que, dans des jours de crise, l’État occupe des bras oisifs à des ouvrages peu féconds, c’est quel-