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La statistique et l’histoire enseignent, au contraire, que l’action du pouvoir législatif et de l’administration devient partout plus nécessaire à mesure que l’économie de la nation se développe. De même que la liberté individuelle en général n’est bonne qu’autant qu’elle ne contrarie pas le but social, l’industrie privée ne peut raisonnablement prétendre à une activité sans limites qu’autant que cette activité est conciliable avec la prospérité de la nation. Mais, si l’activité des individus est impuissante, ou si elle est de nature à nuire à la nation, elle a droit de réclamer l’appui de la force collective du pays, ou elle doit se soumettre dans son propre intérêt à des restrictions légales.

En représentant la libre concurrence des producteurs comme le moyen le plus sûr de développer la prospérité du

    devoirs du gouvernement lui paraissent beaucoup plus étendus. Après avoir essayé de les définir dans un chapitre important, il résume ainsi ses idées à cet égard:« La maxime ’ne pas trop gouverner’doit être constamment présente à la pensée des législateurs et des ministres. Lorsqu’ils songent à réglementer, ils entrent dans un sentier difficile, ils doivent s’y arrêter du moment qu’ils cessent de voir clair devant eux et qu’une énergique conviction ne les décide pas à avancer. Dans le cas contraire, ils ne doivent pas hésiter dans leur marche. Le nombre des cas dans lesquels le gouvernement doit intervenir est considérable, et c’est le devoir de la législature, après s’être édifiée par un examen attentif sur l’utilité d’une mesure, de l’adopter résolument. » M. J. Stuart Mill, dans son récent traité, envisage la question au même point de vue, et consacre une partie considérable de son ouvrage à définir les devoirs du gouvernement vis-à-vis de l’industrie.
      On connaît l’opinion sur la matière des hommes qui, parmi nous, sont, à des points de vue divers, les interprètes officiels de l’économie politique. Dans le discours d’ouverture de son cours de 1850, M. Chevalier prenait une position de sage milieu entre les hommes qui, dans ces derniers temps, ont exagéré l’action de l’État, et ceux qui, en face de doctrines funestes, ont reproduit, d’ailleurs avec verve et talent, le laissez faire du siècle dernier : « Un des plus graves défauts des doctrines qui se sont répandues dans ces derniers temps réside dans la prépondérance systématique qu’elles donnent à l’action de l’État. Ces doctrines partent d’une fausse notion de la nature humaine, car elles méconnaissent la puissance du ressort individuel. Elles conduiraient à une impitoyable tyrannie dont le joug serait avilissant. Je le crois, je l’enseigne. Mais, aussi bien, j’estime qu’une doctrine qui s’appuierait exclusivement sur l’intérêt personnel, qui récuserait toute intervention de l’autorité, et réduirait le gouvernement au rôle de gendarme, serait également fautive, également impraticable. » (H. R.).