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tout individu dans le pays étant libre d’exploiter le marché intérieur assuré à l’industrie nationale, il n’y a point là de monopole privé ; il n’y a qu’un privilège octroyé à tous nos

    temporaire. « Un gouvernement, qui défend l’introduction d’une marchandise étrangère, établit un monopole en faveur de ceux qui produisent cette marchandise contre ceux qui la consomment, c’est-à-dire que ceux de l’intérieur qui la produisent, ayant le privilège exclusif de la vendre, peuvent en élever le prix au-dessus du taux naturel, et que les consommateurs de l’intérieur, ne pouvant l’acheter que d’eux, sont obligés de la payer plus cher. Mais comment peuvent-ils maintenir constamment leurs produits au-dessus du prix naturel, lorsque chacun de leurs concitoyens a la possibilité de se livrer au même genre d’industrie ? Ils sont protégés contre la concurrence des étrangers et non contre celle des nationaux. Le mal réel que ressent un pays par l’effet de ces monopoles, s’il est permis de leur donner ce nom, vient,  non de ce qu’ils font hausser le prix courant de ces produits, mais bien de ce qu’ils en font hausser le prix réel et naturel. En augmentant les frais de production, ils sont cause qu’une portion de l’industrie est employée d’une manière moins productive. »
      J.-B. Say eut la bonne foi de convenir de son erreur.
      « M. Ricardo, dit-il, me paraît avoir ici raison contre moi. En effet, quand le gouvernement prohibe un produit étranger, il ne saurait élever dans l’intérieur les bénéfices qu’on fait sur sa production au-dessus du taux commun des profits ; car alors les producteurs de l’intérieur, en se livrant à ce genre de production, en ramèneraient bientôt, par leur concurrence, les profits au niveau de tous les autres. Je dois, dès lors, pour expliquer ma pensée, dire que je regarde le taux naturel d’une marchandise comme étant le prix le plus bas auquel on peut se la procurer par la voie du commerce ou par toute autre industrie. Si l’industrie commerciale peut la donner à meilleur marché que les manufactures, et si le gouvernement force à la produire par les manufactures, il force dès lors à préférer une manière plus dispendieuse.
      En regard de cette dernière observation de J.-B. Say, je crois devoir reproduire l’aveu suivant d’Adam Smith : « A la vérité, il peut se faire qu’à l’aide de ces sortes de règlements, un pays acquière un genre particulier de manufacture plutôt qu’il ne l’aurait acquis sans cela, et qu’au bout d’un certain temps, ce genre de manufacture se fasse dans le pays à aussi bon marché ou à meilleur marché que chez l’étranger. » Richesse des nations, liv. IV, ch. ii. (H. R.)
      — Mac Culloch reproduit la même pensée : « L’avantage qui résulte du monopole est en réalité insignifiant. Par suite de la libre concurrence entre les producteurs nationaux, l’exclusion de certains produits fabriqués étrangers ne peut élever au-dessus du niveau commun les profits de ceux qui en fabriquent de semblables dans le pays, et ne fait qu’attirer vers une branche particulière d’industrie une plus grande quantité de capitaux. On n’a jamais soutenu que les industries protégées soient plus lucratives que celles qui sont exposées à la concurrence. »
      Ces déclarations de trois grands maîtres de la science économique ne sont