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dérable, plus les producteurs matériels produiront de richesses, et plus la production intellectuelle pourra prendre d’essor.

La plus haute division des travaux, la plus haute combinaison des forces productives dans la production matérielle, c’est celle de l’agriculture et de l’industrie manufacturière. Ainsi que nous l’avons déjà montré, ces deux industries sont solidaires l’une de l’autre.

Dans la nation, comme dans la fabrique d’aiguilles, la puissance productive de chaque individu, de chaque branche de travail, et finalement de l’ensemble des travaux, dépend d’une juste proportion dans l’activité de tous les individus les uns par rapport aux autres. C’est ce que nous appelons l’équilibre ou l’harmonie des forces productives. Un pays peut posséder trop de philosophes, de philologues et de littérateurs, et trop peu d’industriels, de marchands et d’hommes de mer. C’est la conséquence d’une culture littéraire avancée, qui n’est appuyée ni par une industrie manufacturière avancée pareillement, ni par un vaste commerce intérieur et extérieur ; c’est comme si, dans une fabrique d’aiguilles, il se fabriquait plus de têtes d’aiguilles que de pointes. Dans un pareil pays les têtes d’aiguilles en excès consistent en une multitude de livres inutiles, de systèmes subtils et de controverses savantes, qui remplissent de ténèbres l’esprit de la nation plus qu’elles ne l’éclairent, la détournent des occupations utiles, et, par conséquent, empêchent le développement de sa puissance productive, presque autant que si elle possédait trop de prêtres et pas assez d’instituteurs, trop d’hommes de guerre et pas assez d’hommes d’état, trop d’administrateurs et pas assez de juges et de défenseurs de la loi.

Une nation adonnée exclusivement à l’agriculture est comme un individu qui, dans sa production matérielle, est privé d’un bras. Le commerce n’est que l’intermédiaire entre l’agriculture et l’industrie manufacturières et entre leurs branches particulières. Une nation qui échange ses produits agricoles contre des articles des manufactures étrangères est un individu qui n’a qu’un bras, et qui s’appuie sur un bras étranger.