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obligés d’envoyer votre blé en Angleterre pour être converti en farine et en pain ; quelle quantité de ce blé ne garderaient pas les Anglais pour prix de la mouture et de la cuisson ! Combien n’en consommeraient pas les charretiers, les marins, les négociants occupés à exporter le blé et à importer le pain ! Combien en reviendrait-il aux mains de ceux qui l’ont semé ? Il va sans dire que le commerce extérieur aurait une grande activité ; mais il est fort douteux que de telles relations fussent bien favorables à la prospérité et à l’indépendance du pays. Songez seulement au cas où la guerre éclaterait entre cette contrée (l’Amérique du Nord) et la Grande-Bretagne ; où en seraient ceux qui produisaient du blé pour les moulins et pour les boulangeries britanniques, où en seraient ceux qui étaient accoutumés au pain d’Angleterre ? De même qu’il est dans l’intérêt du producteur de blé que le meunier demeure dans son voisinage, ainsi l’intérêt de l’agriculteur en général demande que le manufacturier habite près de lui ; celui de la plaine, qu’une ville prospère et industrieuse s’élève dans son sein ; celui de l’agriculture tout entière d’une contrée, que l’industrie manufacturière de la même contrée ait atteint le plus haut degré de développement. »

Comparons l’état de l’agriculture dans le voisinage d’une cité populeuse ou dans des provinces reculées.

Ici le fermier ne cultive pour les vendre que les denrées qui supportent un long voyage et qui ne peuvent pas être fournies à plus bas prix et en qualités meilleures par les terrains plus rapprochés. Une notable portion de son prix de vente est absorbée par les frais de transport. Les capitaux qu’il emploierait utilement sur sa ferme, il a peine à les trouver. À défaut de bons exemples et de moyens de s’instruire, les nouveaux procédés, les instruments perfectionnés et les cultures nouvelles parviennent difficilement jusqu’à lui. Les ouvriers eux-mêmes, faute de bons exemples, faute de stimulants et d’émulation, ne développeront que faiblement leurs forces productives, et s’abandonneront à la nonchalance et à la paresse.