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créera peut-être à peine le cinquième ou même à peine le dixième des richesses matérielles qu’une nation complète est capable de produire, et cela par la même raison que, dans une fabrication compliquée, dix personnes ne produisent pas seulement dix fois plus, mais trente fois plus peut-être qu’une seule, et que l’homme qui n’a qu’un bras ne fait pas seulement moitié moins, mais infiniment moins de besogne que celui qui en a deux.

Cette perte de forces productives sera d’autant plus sensible que les machines viennent mieux seconder le travail manufacturier et sont moins applicables au travail agricole. Une portion de la force productive ainsi perdue pour la nation agricole profitera à celle qui livrera ses objets fabriqués en échange des denrées de la première. Il n’y aura d’ailleurs de perte positive que lorsque la nation agricole aura déjà atteint le degré de civilisation et de développement politique nécessaire pour l’établissement d’une industrie manufacturière. Si ce degré n’a pas encore été atteint par elle, si elle est encore à l’état de barbarie ou de demi-civilisation, si son économie rurale n’est pas encore sortie de sa grossièreté primitive, l’importation des articles des fabriques étrangères et l’exportation de ses produits bruts ne peuvent qu’augmenter sensiblement chaque année sa prospérité, qu’éveiller et accroître ses forces intellectuelles et sociales. Si ces relations ne sont interrompues, ni par les prohibitions de l’étranger contre les matières brutes, ni par la guerre, ou si le territoire de la nation agricole est situé dans la zone torride, l’avancement sera des deux côtés également considérable, et il sera dans la nature des choses ; car, sous l’influence de pareils échanges, une pareille nation avancera infiniment plus vite et plus sûrement que si elle avait été abandonnée à elle-même. Mais si la nation agricole est parvenue au point culminant de son développement rural, en tant que l’influence du commerce extérieur peut l’y élever, ou si la nation manufacturière se refuse à prendre les produits de la nation agricole en paiement de ses articles fabriqués, et que la concurrence victorieuse de