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embrasser du regard l’ensemble des rapports d’où dépendent son existence, sa prospérité et sa puissance dans le présent et dans l’avenir.

La nation doit faire le sacrifice et supporter la privation de richesses matérielles, pour acquérir des forces intellectuelles ou sociales ; elle doit sacrifier des avantages présents pour s’assurer des avantages à venir. Pour une nation, ainsi que nous croyons l’avoir historiquement établi, une industrie manufacturière développée dans toutes ses branches est la condition d’un haut degré de civilisation, de prospérité matérielle et de puissance politique. S’il est vrai, comme nous croyons pouvoir le démontrer, que, dans l’état actuel du monde, une jeune industrie manufacturière, dénuée de protection, ne saurait soutenir la concurrence d’une industrie affermie depuis longtemps, d’une industrie protégée sur son propre territoire ; comment, avec des arguments empruntés à la théorie des valeurs, peut-on entreprendre de prouver qu’une nation, de même qu’un particulier, doit acheter les marchandises dont elle a besoin là où elle les trouve au meilleur marché ; qu’on est insensé de fabriquer soi-même ce qu’on pourrait se procurer au dehors à plus bas prix ; qu’on doit abandonner l’industrie du pays aux efforts des particuliers ; que les droits protecteurs sont des monopoles dont les industriels sont pourvus aux dépens de la nation ?

Il est vrai que les droits protecteurs renchérissent au commencement les articles fabriqués ; mais il est également vrai, et l’école même l’admet, qu’à la longue, chez un peuple capable d’un vaste développement industriel, ces articles peuvent être produits à meilleur marché qu’on ne peut les importer du dehors. Si donc ces droits protecteurs entraînent un sacrifice de valeurs, le sacrifice est compensé par l’acquisition d’une force productive, qui non-seulement assure à la nation pour l’avenir une quantité infiniment supérieure de richesses matérielles, mais encore l’indépendance industrielle en cas de guerre. À l’aide de l’indépendance industrielle et de la prospérité qui en résulte, la nation acquiert les moyens