Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La prospérité d’un peuple ne dépend pas, comme Say le pense, de la quantité de richesses et de valeurs échangeables qu’il possède, mais du degré de développement des forces productives. Si les lois et les institutions ne produisent pas directement des valeurs, elles produisent du moins de la force productive, et Say est dans l’erreur quand il soutient qu’on a vu des peuples s’enrichir sous toutes les formes de gouvernement, et que les lois ne peuvent pas créer de richesses.

Le commerce extérieur de la nation ne doit pas être apprécié, comme celui du marchand, exclusivement d’après la théorie des valeurs, c’est-à-dire par la seule considération du profit matériel du moment ; la nation doit en même temps

    elle est unanimement rejetée, et l’on reconnaît que tout travail utile est un travail productif. (Voir en particulier sur ce sujet le chapitre de la Consommation de la richesse dans les Principes d’Économie politique de Mac Culloch.)
      Néanmoins c’est une question de savoir si l’on doit ranger parmi les producteurs, au point de vue de l’économie politique, tous ceux qui se livrent à un travail utile, de quelque nature qu’il soit ; la solution de cette question dépend du plus ou du moins d’étendue qu’on assigne au domaine de la science. Certains esprits, et Malthus, par exemple, était de cet avis, pensent que l’objet propre de l’économie politique est la richesse, la richesse matérielle, et que la production de ces choses immatérielles auxquelles le mot de richesse a été appliqué par métaphore, appartient à un autre ordre d’études ; ils remarquent que le terme même d’économie politique réveille habituellement dans les esprits l’idée d’intérêts matériels et que les auteurs qui élargissent le plus l’horizon de la science ne traitent guère d’autre chose. Pour ceux-là, les magistrats et les administrateurs, les savants et les poètes, les avocats et les médecins, enfin, tous les producteurs de ces biens moraux sans lesquels on ne conçoit pas de civilisation, ne sont au point de vue économique proprement dit, que des producteurs indirects. En les appelant ainsi, on ne veut pas, bien entendu, rabaisser des services, qui non seulement sont souvent supérieurs en thèse générale à ceux des producteurs directs, mais quelquefois même concourent à la production de la richesse plus puissamment que les plus rares efforts du génie industriel ; un essaie seulement de définir le genre de concours qu’ils prêtent à cette production matérielle.
      En qualifiant ces producteurs indirects de producteurs de forces productives, List se place au même point de vue ; peut-être seulement fait-il mieux ressortir leur importance sociale et économique, et indique-t-il mieux les rapports qui lient le monde matériel au monde moral.
      Je crois inutile de relever dans le passage ci-dessus quelques plaisanteries fort injustes de l’auteur à l’égard de Mac Culloch. (H. R.)