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Mais il paraît qu’il n’est pas dans l’ordre de la nature qu’une science sorte tout achevée de la tête d’un seul penseur. Évidemment, l’idée cosmopolite des physiocrates, celle de la liberté générale du commerce, et sa grande découverte de la division du travail l’absorbèrent trop pour lui permettre de poursuivre cette idée de la force productive. Quelque nombreuses obligations que lui ait la science dans ses autres parties, la découverte de la division du travail était, à ses yeux, son titre le plus éclatant. Elle devait faire la réputation de son ouvrage et la célébrité de son nom. Trop habile pour ne pas comprendre que celui qui veut vendre une pierre précieuse d’une grande valeur ne porte pas le joyau au marché dans un sac rempli de blé, quelque utile que le blé puisse être d’ailleurs, mais qu’il entend mieux son intérêt en le mettant en vue ; trop expérimenté pour ignorer qu’un débutant, et il l’était en matière d’économie politique au moment de la publication de son ouvrage, qu’un débutant qui a le bonheur de faire fureur au premier acte, obtient aisément de l’indulgence si, dans les actes suivants, il ne fait que s’élever un peu au-dessus du médiocre, il fut entraîné à commencer son ouvrage par la doctrine de la division du travail. Smith ne s’est pas trompé dans ses calculs, son premier chapitre a fait la fortune de son livre et fondé son autorité.

Pour notre part, nous croyons pouvoir l’affirmer, ce fut ce désir de mettre dans un jour avantageux l’importante découverte de la division du travail[1], qui empêcha Adam Smith

  1. On sait qu’Adam Smith n’a découvert la division du travail ni comme fait ni comme principe. Il a eu le mérite d’en faire usage dans un Traité d’économie politique. La division du travail était si évidente pour les hommes pratiques, même pour les moins attentifs, qu’il ne peut y avoir à rechercher par qui elle a été découverte. Divers écrivains l’avaient nettement expliquée longtemps avant Smith. Il suffira de citer un passage d’un philosophe chinois, Mencius, qui vivait il y a deux mille ans : « Le fermier tisse-t-il le drap ou confectionne-t-il le chapeau qu’il porte ? Non, il les achète avec du grain. Pourquoi ne les fait-il pas lui-même ? Pour ne pas nuire à son exploitation. Fabrique-t-il ses ustensiles de cuisine ou ses outils en fer ? Non, il les achète avec du grain. L’industrie du mécanicien et celle du fermier ne doivent pas être réunies. (S. Colwell.)