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friraient la même sûreté pour les personnes et pour les biens, la même constitution, les mêmes lois générales, et que le gouvernement anglais serait soumis à l’autorité collective de la confédération universelle. Dans une telle hypothèse, il n’y aurait pas de meilleur moyen d’élever tous ces pays au degré de richesse et de civilisation où l’Angleterre est parvenue, que la liberté du commerce ; tel est l’argument de l’école. Mais, dans l’état actuel du monde, quels seraient les effets de cette liberté ?

La nation anglaise, en tant que nation indépendante et isolée, prendrait son intérêt pour règle souveraine de sa politique ; attaché à sa banque, à ses lois, à ses institutions, à ses habitudes, l’Anglais emploierait, autant que possible, ses forces et ses capitaux dans l’industrie de son pays ; la liberté du commerce, en ouvrant tous les pays du monde aux produits des manufactures anglaises, ne pourrait que l’y encourager ; l’idée ne lui viendrait pas aisément de fonder des manufactures en France ou en Allemagne. Tout excédant de son capital serait dès lors appliqué en Angleterre au commerce extérieur. S’il était dans le cas d’émigrer ou de placer ses capitaux à l’étrange, comme aujourd’hui, il préférerait aux pays continentaux de son voisinage les contrées lointaines où il retrouverait sa langue, ses lois et ses institutions. L’Angleterre deviendrait ainsi une seule et immense cité manufacturière. L’Asie, l’Afrique et, l’Australie seraient civilisées par elle et couvertes de nouveaux États à son image. Avec le temps surgirait, sous la présidence de la métropole, un monde d’États anglais, dans lequel les nations du continent de l’Europe viendraient se perdre comme des races insignifiantes et stériles. La France partagerait avec l’Espagne et le Portugal la mission de fournir au monde anglais les vins les meilleurs et de boire elle-même les plus mauvais ; tout au plus conserverait-elle la fabrication de quelques articles de mode. L’Allemagne n’aurait guère autre chose à fournir à ce monde anglais que des jouets d’enfants, des horloges de bois, des écrits philologiques, et parfois un corps auxiliaire destiné à aller se