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Saturne, qui dévore ses propres enfants. Elle, qui, du développement de la population, des capitaux et des machines, fait sortir la division du travail et explique par cette loi le progrès de la société, arrive à considérer ces forces comme des monstres menaçants sur la prospérité des peuples ; parce que, l’œil exclusivement fixé sur l’état présent de telle ou telle nation, elle perd de vue l’état du globe tout entier et les progrès futurs du genre humain.

Il n’est pas vrai que la population s’accroisse avec plus de rapidité que la production des subsistances ; du moins serait-il insensé d’admettre cette disproportion et de chercher à l’établir au moyen de pénibles calculs et de sophismes, tant que le globe offrira une quantité immense de forces inemployées,

    son complet développement, on doit s’attendre, de la part de ceux qui la cultivent, à des tâtonnements, à des opinions hasardées, à des erreurs ; mais les erreurs restent la propriété des individus, et les vérités seules entrent dans la science. C’est ainsi que la science n’a pas admis les inquiétudes conçues par quelques esprits au sujet d’un prétendu excès de production, inquiétudes que List trouve avec raison étranges, et dont J.-B. Say a fait bonne justice par sa théorie des débouchés. La science a repoussé également des exagérations auxquelles une réputation acquise par d’importants travaux historiques n’ont valu que trop de succès, même auprès des intelligences les plus distinguées. Quant aux travaux de Malthus sur la population, tout en y rectifiant quelques formules, la science les a adoptés dans leur ensemble.
          Il est regrettable, dans un temps, où l’on cherche à flétrir par l’épithète de Malthusien tous ceux qui n’épousent pas des utopies insensées, de voir l’autorité d’un homme éminent du côté des déclamateurs. Mais List a parlé de la théorie de Malthus sous l’influence de sentiments généreux et irréfléchis plutôt que d’un examen sérieux auquel il ne s’était pas livré. Sans doute, le globe que nous habitons présente de vastes espaces incultes, et la production des denrées alimentaires, par conséquent la population, y est susceptible d’un accroissement immense ; il n’est pas moins vrai que le progrès de la population ne peut sans danger précéder celui de la production ; une saine morale n’exige pas moins de l’homme de ne pas céder aveuglément, comme la brute, à ses appétits, et une charité éclairée ne doit pas moins recommander aux classes ouvrières la prudence en matière de mariage, comme la condition essentielle de leur indépendance et de leur bien-être.
          Dans quelques leçons de son Cours d’économie politique et dans son introduction à l’ouvrage de Malthus sur la population, Rossi a traité ces questions si graves avec une haute raison et avec un sentiment vrai des intérêts de la population laborieuse. (H. R.)