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nement absolu une œuvre qui ne pouvait durer qu’après un profond remaniement de la constitution politique.

On pourrait répondre d’ailleurs pour la justification de Colbert, que son système, poursuivi par de sages monarques et par des ministres éclairés, aurait, par voie de réformes, écarté les obstacles qui arrêtaient les progrès des fabriques, de l’agriculture et du commerce de même que ceux des libertés publiques, et que la France n’aurait pas eu de révolution ; que, excitée dans son développement par l’action réciproque que l’industrie et la liberté exercent l’une sur l’autre, elle serait depuis un siècle et demi l’heureuse émule de l’Angleterre dans les manufactures, dans les communications intérieures, dans le commerce avec l’étranger et dans la colonisation, ainsi que dans les pêcheries et dans la marine marchande et militaire.

L’histoire nous enseigne enfin comment des peuples doués par la nature de tous les moyens de parvenir au plus haut degré de richesse et de puissance, peuvent et doivent, sans se mettre en contradiction avec eux-mêmes, changer de système à mesure qu’ils font des progrès. D’abord, en effet, par le libre commerce avec des peuples plus avancés qu’eux, ils sortent de la barbarie et améliorent leur agriculture ; puis, au moyen de restrictions, ils font fleurir leurs fabriques, leurs pêcheries, leur navigation et leur commerce extérieur ; puis enfin, après avoir atteint le plus haut degré de richesse et de puissance, par un retour graduel au principe du libre commerce et de la libre concurrence sur leurs propres marchés étrangers, ils préservent de l’indolence leurs agriculteurs, leurs manufacturiers et leurs négociants, et les tiennent en haleine afin de conserver la suprématie qu’ils ont acquise. Au premier de ces degrés nous voyons l’Espagne, le Portugal, et au second l’Allemagne et l’Amérique du Nord ; la France nous paraît sur la limite du dernier ; mais l’Angleterre seule aujourd’hui y est parvenue.[1]

  1. On trouvera un tableau suffisamment détaillé des faits dont ce livre donne une vigoureuse esquisse au point de vue du Système national, dans l’Histoire du commerce de toutes les nations, par M. H. Scherer, que j’ai traduite de l’allemand avec la collaboration de M. Charles Vogel. (H. R.)