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des livres utiles et instructifs ; le travail n’épuise pas leurs forces ; leur nourriture est abondante et saine. La plupart des jeunes filles s’amassent une dot[1].

Ce dernier point tient visiblement au bas prix des denrées alimentaires, à la médiocrité et à la juste répartition des impôts. Que l’Angleterre supprime ses entraves à l’importation des produits agricoles, qu’elle diminue ses taxes de consommation de moitié ou des deux tiers, qu’elle couvre le déficit par un impôt sur le revenu, et elle assurera une condition semblable aux ouvriers de ses fabriques[2].

Aucun pays n’a été si méconnu et si mal jugé que l’Amérique du Nord, en ce qui touche son avenir et son économie publique, par les théoriciens comme par les praticiens. Adam Smith et J. B. Say avaient déclaré que les États-Unis étaient voués à l’agriculture comme la Pologne. La comparaison n’était pas très-flatteuse pour cette confédération de jeunes et ambitieuses républiques, et la perspective qui leur était ainsi offerte était peu consolante. Les théoriciens que je viens de nommer avaient établi que la nature avait destiné les Américains du Nord exclusivement à l’agriculture, tant que la terre la plus fertile pourrait y être acquise presque pour rien. On les avait vivement félicités d’obéir de si bon cœur aux prescriptions de la nature et d’offrir à la théorie un si bel exemple des merveilleux effets de la liberté du commerce ; mais l’école éprouva bientôt la contrariété de perdre cette preuve importante de la rectitude et de l’applicabilité de sa théorie, et de voir les États-Unis chercher leur fortune dans une voie diamétralement opposée à celle de la liberté commerciale absolue.

Cette jeune nation, que l’école avait chérie jusque-là comme la prunelle de ses yeux, devint alors l’objet du blâme le plus

  1. Les journaux américains de juillet 1839 rapportent que, dans la seule ville de Lowel, on comptait plus de cent ouvrières ayant déposé à la caisse d’épargne au delà de 100 dollars (5.350 francs).
  2. On voit que List pressentait les réformes commerciales et financières que l’Angleterre était à la veille d’accomplir.