Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mande fut évidemment posée par les gouvernements eux-mêmes, lorsqu’ils appliquèrent consciencieusement le revenu des biens sécularisés à l’éducation et à l’instruction, à l’encouragement des arts, des sciences et de la morale, et, en général, à des objets d’utilité publique. C’est par ce moyen que la lumière pénétra dans l’administration et dans la justice, dans l’enseignement et dans les lettres, dans l’agriculture, dans les arts industriels et dans le commerce, qu’elle pénétra en un mot dans les masses. L’Allemagne a suivi ainsi dans sa civilisation une tout autre marche que les autres pays. Au lieu que, partout ailleurs, la haute culture de l’esprit a été le résultat du développement des forces productives matérielles, le développement des forces productives matérielles en Allemagne a été la conséquence de la culture morale qui l’avait précédé. Ainsi toute la civilisation actuelle des Allemands est pour ainsi dire théorique. De là ce défaut de sens pratique, cette gaucherie que, de nos jours, l’étranger remarque chez eux. Ils se trouvent aujourd’hui dans le cas d’un individu, qui, ayant été jusque-là privé de l’usage de ses membres, a appris théoriquement à se tenir debout et à marcher, à manger et à boire, à rire et à pleurer, et s’est mis ensuite à exercer ces fonctions. De là leur engouement pour les systèmes de philosophie et pour les rêves cosmopolites. Leur intelligence, qui ne pouvait se mouvoir dans les affaires de ce monde, a essayé de se donner carrière dans le domaine de la spéculation. Nulle part non plus la doctrine d’Adam Smith et de ses disciples n’a trouvé plus d’écho qu’en Allemagne ; nulle part on n’a ajouté plus de foi à la générosité cosmopolite de MM. Canning et Huskisson.

L’Allemagne doit ses premiers progrès dans les manufactures à la révocation de l’édit de Nantes et aux nombreux réfugiés que cette mesure insensée avait conduits dans presque toutes les parties de l’Allemagne et qui répandirent partout les industries de la laine, de la soie, de la bijouterie, des chapeaux, des verres, de la porcelaine, des gants, et bien d’autres encore.