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qui, dans l’état actuel du monde, pratiquerait le principe de la liberté du commerce, serait réduit en poussière. En cela, il avait montré plus de sens politique que les économistes contemporains dans tous leurs ouvrages. On est étonné de la pénétration avec laquelle ce grand esprit, sans avoir étudié les systèmes d’économie politique, s’était rendu compte de la nature et de l’importance de l’industrie manufacturière[1]. Autrefois, a dit Napoléon, il n’y avait qu’une sorte de propriété, la propriété foncière ; il en a surgi une nouvelle, l’industrie. Ainsi Napoléon voyait et exprimait clairement ce que les économistes de l’époque ne voyaient pas, ou du moins n’exprimaient pas avec netteté ; savoir qu’un pays, qui réunit l’industrie manufacturière et l’agriculture, est infiniment plus complet et plus riche qu’un pays purement agricole. Ce que Napoléon a fait pour consolider ou développer l’éducation industrielle de la France, pour y ranimer le crédit, pour y introduire et y mettre en œuvre les découvertes nouvelles et les perfectionnements, pour y améliorer enfin les voies de transport, est trop connu pour qu’il soit nécessaire de le retracer. Peut-être le serait-il de rappeler quels jugements étranges et injustes les théoriciens du temps ont portés sur ce monarque éclairé et ferme.

A la chute de Napoléon, la concurrence anglaise, jusque-là restreinte à la contrebande, reprit pied sur le continent de l’Europe et sur celui de l’Amérique. Pour la première fois alors on entendit les Anglais condamner le système protecteur et vanter la théorie du libre commerce d’Adam Smith,

  1. Châteaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe, Ve volume, nous apprend que cet homme extraordinaire n’était pas reste étranger aux études économiques : « Entre 1784 et 1793 s’étend la carrière littéraire de Napoléon, courte par l’espace, longue par les travaux. Il travaillait sur les historiens, les philosophes, les économistes, Hérodote, Strabon, Diodore de Sicile, Filangieri, Mably, Smith, etc. — M. Colwell, le commentateur américain, a ajouté à la note ci-dessus la note suivante : « La vaste collection des économistes italiens, par le baron Custodi, en 50 volumes in-8, est une preuve de l’intérêt que Napoléon prenait à l’économie politique ; cette collection a été publiée sur son ordre et à ses frais, pendant qu’il était le maître de l’Italie. » (H. R.)