Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sans doute, ce traité donna aux Portugais un privilège, mais purement nominal ; il conféra aux Anglais un privilège de fait. Le même esprit se retrouve dans les autres traités de commerce conclus par les Anglais. Toujours cosmopolites et philanthropes en paroles, ils ont été constamment monopoleurs d’intention.

D’après le second argument d’Adam Smith, le traité n’aurait point été avantageux aux Anglais par la raison suivante le numéraire qu’ils recevaient des Portugais pour prix de leurs draps, ils étaient obligés de l’expédier en majeure partie dans d’autres pays et de l’échanger contre des marchandises, tandis qu’ils auraient eu plus de profit à échanger directement ces draps contre les marchandises dont ils avaient besoin, et à obtenir ainsi par une seule opération ce qui, dans leur commerce avec le Portugal, exigeait deux échanges. En vérité, sans la haute opinion que nous avons du caractère et de la sagacité du célèbre écrivain, ce raisonnement nous ferait douter ou de sa sincérité ou de son intelligence. Pour l’honneur de l’une ou de l’autre, nous nous bornerons à gémir sur l’infirmité de la nature humaine, à laquelle Adam Smith, lui aussi, devait payer un large tribut avec ses arguments étranges et presque ridicules, aveuglé qu’il était par la pensée, généreuse en elle-même, de justifier la liberté absolue du commerce.

L’argument qu’on vient de citer n’est ni plus raisonnable ni plus logique que cette thèse qu’un boulanger qui vend du pain à ses pratiques pour de l’argent, et avec cet argent achète au meunier de la farine, ne fait pas une affaire avantageuse, par la raison que, s’il avait directement échangé le pain contre la farine, il eût atteint son but par un échange au lieu de deux. Il ne faut pas beaucoup de sagacité pour répondre que peut-être le meunier ne consomme pas autant de pain que le boulanger pourrait lui en fournir, que peut-être même il sait boulanger et boulange en effet, et que, par conséquent, l’opération du boulanger n’aurait pas eu lieu sans ces deux échanges. Telle était la situation commerciale du