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mais[1] ! » Il était réservé à Adam Smith d’exprimer une opinion diamétralement opposée à l’opinion reçue, et de soutenir que le traité de Méthuen n’avait point procuré d’avantages notables au commerce anglais. Si quelque chose atteste le respect aveugle avec lequel le public a adopté les paradoxes de cet homme illustre, c’est ce fait, qu’une pareille assertion est restée sans contradicteur[2].

Au VIe chapitre de son IVe livre, Smith dit que le traité de Méthuen, en admettant les vins portugais sous un droit moindre d’un tiers que celui qui se percevait sur les autres vins, avait accordé aux Portugais un privilège, tandis que les Anglais, obligés de payer pour leurs draps en Portugal le même droit que toute autre nation, n’en avaient obtenu aucun en retour. Mais est-ce que les Portugais n’avaient pas jusque-là tiré de France, de Hollande, d’Allemagne et de Belgique une grande partie des articles étrangers qui leur étaient nécessaires ? Les Anglais n’obtinrent-ils pas alors le monopole du marché portugais pour un produit fabriqué dont ils possédaient la matière première ? Ne trouvèrent-ils pas le moyen de ne payer que la moitié du droit ? Le cours du change ne favorisait-il pas la consommation des vins portugais en Angleterre par une différence d’environ 15 pour 100 ? L’usage des vins de France et d’Allemagne ne cessa-t-il pas presque complètement en Angleterre ? L’or et l’argent du Portugal ne fournirent-ils pas aux Anglais les moyens d’acheter dans l’Inde des masses de marchandises et d’en inonder le continent européen ? Les fabriques de drap du Portugal ne furent-elles pas entièrement ruinées au profit des fabriques anglaises ? Toutes les colonies du Portugal, particulièrement le riche Brésil, ne devinrent-elles pas ainsi de véritables colonies anglaises ?

  1. Anderson, année 1703.
  2. L’opinion d’Adam Smith sur le traité de Méthuen est étrange en effet ; mais elle a trouvé d’autres contradicteurs que List. Dans une note relative à ce passage de la Richesse des nations, M. Blanqui, dont le témoignage en pareille matière n’est pas suspect, s’exprime ainsi : « Les faits ont démontré assez éloquemment depuis un siècle que le traité de Méthuen n’était pas au désavantage de la Grande-Bretagne. » (H. R.)