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dix-neuf ans. Il est vrai que les Anglais donnèrent dès cette époque des preuves de cette adresse que plus tard ils poussèrent au plus haut degré de perfection ; pour échapper aux restrictions portugaises, ils fabriquèrent des étoffes de laine, à quelques égards différentes du drap, mais de nature à rendre le même service, et les introduisirent dans le Portugal sous le nom de serges, ou de droguets de laine. Mais cette ruse fut bientôt découverte et déjouée par la prohibition de ces étoffes[1]. Le succès de ces mesures est d’autant plus surprenant, que, peu auparavant, le pays avait perdu, par l’expulsion des Juifs, une masse considérable de capitaux, qu’il était en proie à tous les maux du fanatisme, et qu’il gémissait sous un gouvernement détestable et sous une aristocratie féodale pesant sur la liberté populaire en même temps que sur l’agriculture.

En 1703, après la mort du comte d’Ericeira, le fameux ministre anglais Méthuen réussit à persuader au gouvernement portugais qu’il serait extrêmement avantageux pour le Portugal d’obtenir l’admission de ses vins en Angleterre avec une diminution du tiers sur le droit d’entrée acquitté par les vins des autres pays, en consentant de son côté à recevoir les draps anglais au droit établi avant 1684, soit 23 pour 100. Il paraît que de la part du roi l’espérance d’un accroissement de ses recettes de douane, de la part de l’aristocratie la perspective d’une augmentation de ses fermages, furent les motifs déterminants de ce traité de commerce, depuis lequel le roi d’Angleterre appelle le roi de Portugal son plus ancien ami et allié, absolument dans le même sens que le sénat romain conférait ces titres aux souverains qui avaient eu le malheur de se trouver en rapport intime avec lui.

Immédiatement après la mise en vigueur de ce traité, le Portugal fut inondé de produits manufacturés anglais, et cette inondation eut pour premier effet la ruine soudaine et complète des fabriques portugaises, effet tout à fait semblable à celui du traité d’Eden conclu plus tard avec la France et à celui de la suppression du système continental en Allemagne.

  1. British Merchant, vol, III, p. 7 I.