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nément la richesse de l’Espagne et du Portugal. Leur industrie et leur puissance en reçurent le coup de mort. Car, au lieu d’échanger contre les produits des deux Indes ceux de leurs propres manufactures, comme le firent plus tard la Hollande et l’Angleterre, ces pays achetèrent les articles fabriqués à l’étranger avec l’or et l’argent qu’ils avaient extorqués dans leurs colonies ; ils transformèrent d’utiles et industrieux citoyens en surveillants d’esclaves et en tyrans coloniaux ; ils alimentèrent l’industrie, le commerce et la navigation de la Hollande et de l’Angleterre, et se suscitèrent en celles-ci des rivales, qui devinrent bientôt assez puissantes pour détruire leurs flottes et pour leur enlever les sources de leur opulence. Inutilement les rois d’Espagne interdirent-ils par des lois l’exportation du numéraire et l’importation des produits fabriqués ; l’esprit d’entreprise, l’amour du travail et le commerce ne jettent de racines que sur le terrain de la liberté politique et religieuse ; l’or et l’argent ne restent que là où l’industrie les attire et les emploie.

Le Portugal, toutefois, sous un ministre habile et énergique, fit pour relever son industrie manufacturière une tentative, dont les premiers résultats nous étonnent. Ce pays était, comme l’Espagne, en possession immémoriale de beaux troupeaux de moutons. Déjà Strabon rapporte qu’on y avait introduit d’Asie une belle race de moutons qui atteignaient jusqu’au prix d’un talent. Lorsqu’en 1681 le comte d’Ericeira parvint au ministère, il conçut le projet d’établir dans le pays des manufactures de drap, destinées à mettre en œuvre les laines indigènes, de manière à suffire à l’approvisionnement du Portugal et de ses colonies. À cet effet, on fit venir d’Angleterre des ouvriers en drap, et, avec l’appui qui leur fut donné, les fabriques fleurirent si promptement qu’au bout de trois ans, en 1684, on put prohiber l’importation des draps étrangers. Depuis ce moment le Portugal, employant ses laines, alimenta sa propre consommation et celle de ses colonies, et, au témoignage d’un écrivain anglais[1], il s’en trouva fort, bien durant

  1. British Merchant, vol. III, p. 69.