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struction navale et dans la navigation, ils éprouvent le désir d’étendre leur commerce extérieur, d’y employer leurs propres navires et de devenir, eux aussi, des puissances maritimes. Peu à peu leur navigation marchande acquiert une certaine importance ; ils se sentent en mesure d’exclure la navigation étrangère et d’effectuer leurs opérations lointaines avec leurs propres bâtiments. C’est le moment de recourir utilement à des restrictions, pour éloigner de ces opérations des étrangers riches, expérimentés et puissants. Mais leur navigation marchande et leur puissance maritime sont-elles parvenues à l’apogée, alors commence une autre époque, au sujet de laquelle le docteur Priestley[1] a dit qu’il serait aussi habile d’abolir les entraves à la navigation qu’il l’avait été de les établir. Alors, en concluant des traités de navigation sur la base de l’égalité, d’une part, ils obtiennent vis-à-vis de peuples moins avancés des avantages non équivoques, et ils empêchent ces peuples d’adopter eux-mêmes des restrictions dans leur propre intérêt ; d’autre part, ils préservent leurs nationaux de l’indolence, et ils les tiennent en haleine de manière à n’être pas devancés par d’autres dans l’art de construire et dans celui de naviguer[2]. Nul doute que Venise, dans sa période de développement, fut grandement redevable à ses restrictions maritimes ; parvenue à la suprématie dans le commerce, dans les arts industriels et dans la navigation, elle fut insensée de les maintenir. Elle resta ainsi, pour la construction navale, pour l’art de naviguer, pour l’aptitude de ses hommes de mer, fort en arrière des puissances maritimes et commerciales qui s’élevaient auprès d’elle. L’Angleterre a, par sa politique, augmenté sa puissance maritime ; au moyen

  1. Priestley, Leçons d’histoire et de politique générale.
  2. C’est cette politique qu’a adoptée l’Angleterre, en abolissant, par l’acte du 26 juin 1849, non toutefois sans quelques réserves, les rigueurs de ses anciennes lois de navigation. Quelque supériorité que la marine britannique ait atteinte sous cette protection séculaire, il a été reconnu, et c’est une confirmation remarquable de la doctrine de List, que cette marine était menacée de décadence par la continuation du même régime, et qu’il y avait par conséquent urgence à le faire cesser. (H. R.)