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L’Angleterre prohiba donc les articles de ses propres factoreries, les étoffes de soie et de coton des Indes orientales[1]. Elle les prohiba absolument, et sous des peines sévères ; elle ne voulut pas consommer un fil de l’Inde, elle repoussa ces produits si beaux et à si bon marché, elle préféra se servir des tissus mauvais et chers qu’elle avait fabriqués elle-même ; elle vendit à bas prix aux pays du continent les étoffes bien supérieures de l’Orient ; elle leur laissa tout l’avantage de ce bon marché, pour elle-même elle n’en voulut pas. En cela l’Angleterre a-t-elle agi follement ? Oui, d’après Adam Smith et J. B. Say, d’après la théorie des valeurs. Car, en vertu de cette théorie, devant acheter les marchandises qui lui étaient nécessaires là où elle les trouvait au meilleur marché et de meilleure qualité, elle était insensée de les fabriquer elle-même plus chèrement qu’elle n’eût pu les acheter, et de faire, pour ainsi dire, un cadeau au continent.

Il en est autrement suivant notre théorie, que nous appelons la théorie des forces productives, et à laquelle les ministres anglais obéissaient sans l’avoir approfondie, quand ils pratiquaient cette maxime : acheter des produits bruts, vendre des produits fabriqués. Les ministres anglais songeaient, non pas à obtenir à bas prix des marchandises périssables, mais à acquérir avec des sacrifices une puissance manufacturière durable.

Ils ont obtenu le succès le plus éclatant. Aujourd’hui l’Angleterre produit pour 70 millions de livres sterling (1.750 millions de francs) de tissus de coton et de soie ; elle approvisionne toute l’Europe, le monde entier, jusqu’à l’Inde, de ses produits fabriqués. Sa production actuelle est de cinquante à cent fois plus considérable que son commerce d’autrefois en objets fabriqués de l’Inde.

Qu’eût-elle gagné à acheter, il y a cent ans, les articles à bon marché de l’Inde ?

Qu’ont gagné les peuples qui les lui achetaient ? Les Anglais

  1. Anderson, année 1720