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ces villes avaient complètement perdu de vue leurs intérêts politiques. Au temps de leur puissance, elles semblaient ne plus appartenir à l’empire d’Allemagne. Cette bourgeoisie étroite, intéressée et fière était flattée de se faire faire la cour par des princes, par des rois, par des empereurs, et de jouer sur les mers le rôle de souveraine. Combien il lui eût été facile, à l’époque de sa domination maritime, d’accord avec les villes fédérées de la haute Allemagne, de former une puissante seconde chambre, de faire contre-poids à l’aristocratie de l’Empire, de constituer, avec l’aide des empereurs, l’unité nationale, d’unir sous une seule nationalité tout le littoral depuis Dunkerque jusqu’à Riga, et, par là, de conquérir et d’assurer au peuple allemand la suprématie dans l’industrie, dans le commerce et dans la navigation ! Mais, lorsque le sceptre des mers lui fut tombé des mains, il ne lui resta pas même auprès de la Diète germanique assez d’influence pour obtenir que son commerce fût considéré comme un intérêt national. Au contraire, l’aristocratie s’appliqua à compléter son humiliation. Les villes de l’intérieur tombèrent, l’une après l’autre au pouvoir de princes absolus, et celles du littoral perdirent ainsi leurs relations au dedans.

Toutes ces fautes furent évitées en Angleterre. Là le commerce extérieur et la navigation trouvèrent la base solide d’une agriculture et d’une industrie manufacturière indigènes ; là le commerce du dedans s’accrut concurremment avec celui du dehors, et la liberté individuelle grandit sans préjudice pour l’unité et pour la puissance nationales ; là se consolidèrent et s’unirent de la façon la plus heureuse les intérêts de la couronne, de l’aristocratie et des communes.

En présence de ces faits historiques, est-il possible de soutenir que, sans le système qu’ils ont suivi, les Anglais auraient pu pousser aussi loin qu’ils l’ont fait leur industrie manufacturière, ou parvenir au commerce et à la prépondérance maritime dont ils sont en possession ? Non ; cette thèse que les Anglais sont arrivés à leur grandeur commerciale actuelle à cause et non en dépit de leur politique commerciale,