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absolue du commerce, que la chute de Venise était due à ces restrictions ; il y a dans cette thèse un peu de vérité avec beaucoup d’erreur. En étudiant sans prévention l’histoire de cette république, nous trouvons qu’ici, comme depuis dans les grands empires, la liberté et la limitation du commerce extérieur ont été, suivant les temps, favorables ou nuisibles à la puissance et à la prospérité publiques. La liberté illimitée du commerce fut utile à la république dans la première période de son élévation. Car comment un hameau de pêcheurs eût-il pu autrement devenir une puissance commerçante ? Mais les restrictions lui furent avantageuses aussi, lorsqu’elle eut atteint un certain degré de puissance et de richesse ; car c’est par elles qu’elle conquit la suprématie manufacturière et commerciale. Les restrictions ne lui devinrent funestes que lorsqu’elle fut arrivée à son apogée ; car elles bannirent l’émulation entre ses citoyens et l’étranger, et elles entretinrent l’indolence. Ce ne fut donc pas l’établissement de ces restrictions, ce fut leur maintien après qu’elles avaient cessé d’avoir un objet, qui fut préjudiciable aux Vénitiens.

La thèse est fausse encore en ce qu’on ne tient pas compte de l’avènement des grandes nationalités régies par la monarchie héréditaire. Venise, malgré la domination qu’elle exerçait sur des provinces et sur des îles, n’était après tout qu’une ville italienne ; comme puissance manufacturière et commerçante, elle n’avait grandi qu’en face des autres cités d’Italie, et son système exclusif ne pouvait avoir de portée qu’autant que des nations entières ne surgiraient pas avec leur force collective. Quand cet événement se réalisa, elle n’eût pu conserver sa suprématie qu’en se plaçant à la tête de toute l’Italie et en étendant sa politique commerciale sur toute cette péninsule. Mais il n’était au pouvoir d’aucun système, quelque habile qu’il fût, de maintenir longtemps, en présence de grandes nations, la suprématie commerciale d’une seule ville.

L’exemple de Venise, en tant que de nos jours on peut l’invoquer contre le système restrictif, ne prouve donc que ceci, ni plus ni moins, savoir, qu’une ville isolée ou un petit