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« Dans une nation qui est dans la servitude, dit Montesquieu, on travaille plus à conserver qu’à acquérir ; dans une nation libre, on travaille plus à acquérir qu’à conserver. »[1] A cette remarque pleine de justesse, il aurait pu ajouter : « Et pendant qu’on ne songe qu’à conserver et jamais à acquérir, on se ruine, » car une nation qui n’avance pas décline, et doit finalement périr. Bien loin d’étendre leur commerce et de faire de nouvelles découvertes, les Vénitiens n’eurent seulement pas l’idée de tirer parti des découvertes des autres. Exclus du commerce des Indes orientales par la découverte d’une nouvelle route, ils n’admirent point que cette route eût été trouvée. Ce que tout le monde voyait, ils ne voulurent pas le croire. Et, quand ils commencèrent à soupçonner les conséquences fatales du changement opéré, ils essayèrent de maintenir l’ancienne route, au lieu de prendre part aux bénéfices de la nouvelle ; ils employèrent de misérables intrigues pour conserver et pour obtenir ce qu’une habile exploitation du nouvel état des choses, l’esprit d’entreprise et le courage pouvaient seuls leur procurer. Et, lorsqu’enfin ils eurent tout perdu et que les richesses des Indes orientales affluèrent vers Cadix et vers Lisbonne et non plus vers leur port, comme des sots ou comme des dissipateurs, ils recoururent à l’alchimie[2].

Au temps où la république était en voie de progrès et de prospérité, l’inscription sur le Livre d’or était considérée comme la récompense de services éclatants dans le commerce et dans l’industrie, dans le gouvernement, et dans la guerre. À ce titre elle était accessible aux étrangers ; les plus distingués des fabricants de soie qui émigrèrent de Florence, par exemple, obtinrent cette faveur[3]. Mais le livre fut fermé, quand

    disaient propriétaires de toute la république. » Daru, Histoire de Venise, vol. IV. c. xviii.

  1. Montesquieu, Esprit des lois.
  2. Un charlatan vulgaire, Marco Brasadino, qui prétendait posséder l’art de faire de l’or, fut accueilli par l’aristocratie comme un sauveur. Daru, Histoire de Venise. vol. III. c. xix.
  3. Venise, comme plus tard la Hollande et l’Angleterre, mit à profit toutes