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tiédeur et la trahison de ses membres et de ses chefs eurent pour conséquence l’accroissement du Milanais et la chute de la république toscane. De cette époque date le déclin de l’industrie et du commerce de l’Italie[1].

Avant ce temps-là, comme depuis, Venise avait voulu être à elle toute seule une nation. Tant qu’elle n’eut affaire qu’aux fragments de nationalité de l’Italie ou à la Grèce expirée, elle n’eut pas de peine à maintenir sa suprématie manufacturière et commerciale sur le littoral de la Méditerranée et de la mer Noire. Mais, quand des nations complètes et pleines de vie parurent sur la scène politique, on reconnut que Venise n’était qu’une ville, et son aristocratie qu’une aristocratie municipale. Sans doute elle avait subjugué beaucoup d’îles et de vastes provinces, mais elle les avait gouvernées constamment en pays conquis ; et chacune de ses conquêtes, au témoignage de tous les historiens, l’avait affaiblie au lieu de la fortifier.

En même temps s’éteignait peu à peu au sein de la république l’esprit auquel elle devait sa grandeur. La puissance et la prospérité de Venise, œuvre d’une aristocratie patriote et héroïque, issue d’une démocratie énergique et jalouse de sa liberté, durèrent, tant que la liberté entretint l’énergie démocratique et que celle-ci fut dirigée par le patriotisme, la sagesse et l’héroïsme de l’aristocratie ; mais, à mesure que l’aristocratie dégénéra en une oligarchie despotique, étouffant toute liberté, toute énergie populaire, les racines de cette puissance et de cette prospérité se desséchèrent, bien que les branches et la cime de l’arbre continuassent encore quelque temps à fleurir[2].

  1. Ainsi Charles-Quint détruisit le commerce et l’industrie en Italie, de même que dans les Pays-Bas et en Espagne. Avec lui apparurent les lettres de noblesse et l’idée qu’il était honteux pour les nobles de s’adonner au commerce et aux arts, idée qui exerça une désastreuse influence sur l’industrie nationale. Jusque-là l’opinion opposée avait prévalu ; les Médicis continuèrent à faire le commerce, lorsqu’ils étaient déjà depuis longtemps souverains.
  2. « Quand les nobles, au lieu de verser leur sang pour la patrie, au lieu d’illustrer l’État par des victoires et de l’agrandir par des conquêtes, n’eurent plus qu’à jouir des honneurs et à se partager des impôts, on dut se demander pourquoi il y avait huit ou neuf cents habitants de Venise qui se