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remèdes : l’expérience et la nécessité. Si nous ne nous trompons, tous les peuples qui, récemment, ont cru trouver leur salut dans les libres relations avec la puissance prépondérante dans les manufactures et dans le commerce, sont à la veille d’importantes expériences.

Il est impossible qu’en persévérant dans leur régime commercial actuel, les États-Unis parviennent à mettre quelque ordre dans leur économie nationale. Il faut absolument qu’ils reviennent à leur ancien tarif. Les États à esclaves auront beau résister et le parti dominant les soutenir, la force des choses prévaudra[1]. Tôt ou tard même, nous le craignons, le canon tranchera une question qui était un nœud gordien pour les législateurs ; l’Amérique paiera son solde à l’Angleterre avec de la poudre et du plomb ; les prohibitions de fait qui résultent de la guerre remédieront aux défauts du tarif américain ; et la conquête du Canada mettra fin pour jamais au vaste système de contrebande anglaise annoncé par Huskisson. Puissions-nous être dans l’erreur ! Mais, si notre prophétie devait s’accomplir, c’est la théorie du libre échange que nous rendons responsable de cette guerre. Etrange ironie de la destinée, qu’une théorie basée sur la grande idée de la paix perpétuelle allume la guerre entre deux puissances si bien faites, au dire des théoriciens, pour trafiquer l’une avec l’autre ! C’est presque aussi bizarre que de voir, par suite de cette philanthropique abolition du commerce des esclaves, des milliers de noirs engloutis au fond de la mer[2].

  1. Ces pressentiments de List furent promptement vérifiés par le vote du tarif whig de 1842, sous lequel les manufactures américaines ont prospéré. Il est vrai que ce tarif fortement protecteur fit place, sous l’administration du président Polk, au tarif relativement libéral de 1846 ; mais ce dernier acte, désigné sous le nom de tarif de revenu impliquant protection, protégeait encore assez fortement la plupart des industries du pays, bien qu’il ait donné lieu aux vives et justes réclamations de quelques-unes. Il a été modifié en 1851, comme produisant des recettes trop considérables. L’acte du 14 mars de cette dernière année a diminué les différents taux des droits, et, par une compensation en faveur de l’industrie, admis en franchise la plupart des matières qu’elle emploie. (H. R.)
  2. N’eût-il pas été plus raisonnable de provoquer tout d’abord de la part des États à esclaves des lois d’après lesquelles les planteurs eussent été as-