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ment politique et nationale, elle manque du coup d’œil philosophique, de la tendance cosmopolite.

La théorie régnante, au contraire, telle qu’elle a été rêvée par Quesnay et élaborée par Adam Smith, est exclusivement préoccupée des exigences cosmopolites de l’avenir, de l’avenir même le plus éloigné. L’association universelle et la liberté absolue des échanges internationaux, ces idées peut-être réalisables après des siècles, elle les considère comme réalisables dès aujourd’hui. Méconnaissant les nécessités du présent et l’idée de nationalité, elle ignore l’existence de la nation et par suite le principe de l’éducation de la nation en vue de l’indépendance. Dans son cosmopolitisme exclusif, elle voit toujours le genre humain, le bien-être de l’espèce entière, jamais la nation et la prospérité nationale ; elle a horreur de la politique ; elle condamne l’expérience et la pratique comme routinières. Ne tenant compte des faits historiques qu’en tant qu’ils répondent à ses tendances particulières, elle ignore ou défigure les leçons de l’histoire qui contrarient son système, elle se voit dans la nécessité de nier les effets de l’Acte de navigation, du traité de Méthuen, de la politique commerciale de l’Angleterre en général, et de soutenir contre toute vérité que l’Angleterre est parvenue à la richesse et à la puissance malgré cette politique et non par elle. Une fois édifiés sur ce qu’il y a d’exclusif dans l’un et dans l’autre système, nous ne nous étonnerons plus que, malgré ses graves erreurs, la pratique n’ait ni voulu ni pu se laisser réformer par la théorie ; nous comprendrons aussi pourquoi la théorie n’a voulu entendre parler ni de l’histoire et de l’expérience, ni de la politique et de la nationalité. Si cette théorie vague, cependant, se prêche dans toutes les rues et sur tous les toits, et surtout chez les nations dont elle a le plus compromis l’existence, il faut s’en rendre au penchant prononcé de l’époque pour les expérimentations philanthropiques et pour l’étude des problèmes de philosophie.

Mais, dans la vie des peuples comme dans celle des individus, il y a contre les illusions de l’idéologie deux puissants