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Tu sens bien que ce peuple, qui ne mangeait plus il y a quatre-vingt-dix ans que du pain de bruyère, ne pouvait aller bien loin. « Si j’étais sujet, disait le successeur de Louis XIV, je me révolterais à coup sûr. — Le peuple a raison de se soulever ; il est bien bon de tant souffrir. »

Aussi la plainte de Jacques montait parfois inarticulée en émeutes, en jacqueries vite réprimées. Eh ! pouvait-il faire autre chose, armé seulement de ses instincts ! Seule, la bourgeoisie émancipée par ses richesses et souvent en mesure de marchander ses services, pouvait tenter un soulèvement efficace, accomplir une révolution. Le jour vint où, menacée du sort de Jacques Bonhomme, elle dut choisir entre la soumission et la ruine. Capable de guider la résistance, elle demanda à Jacques d’en être le bras, lui persuadant que leur cause était commune. Jacques, crédule, incapable d’ailleurs de s’affranchir lui-même, consentit à lui prêter sa force et à la constituer son avocat.

Voici comment fut mis à exécution ce contrat mémorable.

Un jour le roi perdit la tête. La misère était générale, la banqueroute imminente. Le repré-