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LETTRE DE JACQUES BONHOMME


Je suis paysan comme tous les miens ; chacun travaille dans la famille dès qu’il a cinq doigts vaillants, et malgré nos efforts nous n’avons en tout bien qu’un seul arpent de terre. Tout le jour on pioche chez les autres, et, le soir, au clair de la lune, nous levons les bras pour notre compte. On arrive ainsi à s’habiller et à manger de la viande huit ou dix fois au moins par an.

Il y a quelque temps, le garde champêtre me porta un billet pour aller tirer au sort. J’amène le numéro 5 ; mon voisin, le fils du notaire, avait tiré le 3. Et il riait ! Je m’en moque, disait-il, j’achèterai un homme. C’est que 2,000 francs pour lui ça n’est rien. Moi je n’ai jamais vu, même en rêve, un aussi gros magot.

Chacun pleurait à la maison quand un monsieur est venu, a compté les portes et les fenêtres, disant qu’il fallait payer tant par ouver-