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guerre des gaules. — liv. v.

butin de bétail, dont ils sont très-avides. Encouragés par ce succès, ils s’avancent plus loin ; accoutumés, dès l’enfance, à la guerre et au brigandage, les marais ni les forêts ne sont pas capables de les arrêter. S’étant informés de leurs captifs du lieu où était César, ils apprennent qu’il s’était éloigné avec toutes ses troupes ; et un de ceux-ci leur adressant la parole : « Pourquoi, leur dit-il, vous bornez-vous, à une proie si misérable et si chétive, quand vous pouvez en un moment vous enrichir ? Vous serez en trois jours à Tongres ; l’armée romaine y a laissé toutes ses richesses. La garnison y est si peu nombreuse, qu’elle ne suffit pas à border le rempart, et que personne n’ose sortir de son poste. » Dans cette flatteuse espérance. ils cachent le butin qu’ils avaient déjà fait, et marchent à ce château sous la conduite de ce même prisonnier, qui les avait si bien instruits.

36. Cicéron qui, tous les jours précédens, s’était occupé, suivant l’ordre de César, de retenir avec le plus grand soin les soldats dans le camp, et qui n’avait pas même permis à un seul valet de sortir de l’enceinte de ses retranchemens ; le septième jour, désespérant de voir César de retour à l’époque marquée, parce qu’il entendait dire qu’il était encore allé plus loin, et qu’on ne parlait point de son retour, fut touché d’entendre le soldat blâmer sa patience, et crier qu’on était donc assiégé, puisqu’on n’osait sortir. Persuadé qu’ayant autour de lui neuf légions et une nombreuse cavalerie, tandis que les ennemis sont dissipés et presque détruit, il ne doit craindre aucun accident à trois milles de son camp ; il envoie cinq cohortes couper des blés dans un endroit qui n’en était séparé que par une colline. Il y avait dans le camp plusieurs malades de toutes les légions. Environ trois cents de ces malades qui s’étaient rétablis pendant tes sept jours, sont envoyés avec les cinq cohortes : enfin, un grand nombre de valets et de bêtes de somme les suivent.

37. Dans ce moment même ; la cavalerie allemande arrive, et sur-le-champ elle s’efforce de pénétrer dans le camp par la porte Décumane : on ne la vit, à cause d’un bois qui l’avait couverte, que quand elle fut proche du camp ; de sorte que les marchands qui avaient leurs tentes près des retranchemens, n’eurent pas le temps de se retirer. Les nôtres qui ne s’attendaient à rien, en furent si surpris que la cohorte qui était de garde, soutint a peine le premier choc. Les ennemis courent d’une porte à l’autre chercher une entrée et nos soldats ne savent quelles manœuvres exécuter pour les garantir toutes. Heureusement les autres entrées étaient à couvert d’insulte, tant par teurr position naturelle que par les fortifications qu’on avait ajoutées. L’effroi règne dans tout le camp : on se demande l’un à l’autre la cause du trouble et l’on ne pense ni à se réunir sous les enseignes, ni à donner à chacun son poste à défendre. L’un dit que le camp est déjà emporté ; l’autre que l’armée est taillée en pièces, le général tué, et que l’ennemi est venu tomber su eux après sa victoire. La plupart se forgent des craintes superstitieuses au sujet du camp même, et se rappellent la disgrâce de Cotta et de Titurius, qui avaient péri dans ce même poste. Les Barbares, qui s’aperçoivent de notre consternation, ne doute nullement de la vérité du rapport que le prisonnier leur avait fait, qu’il n’y avait que très-peu de garnison dans cette forteresse. Ils entreprennent donc de la forcer, et