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césar.

la Meuse, afin de se rendre à l’extrémité des Ardennes, où il avait appris qu’Ambiorix s’était retire avec quelque cavalerie. En partant, il assura qu’il serait de retour dans sept jours, terme auquel il faudrait délivrer du blé à la légion laissée à la garde du château. Il recommanda aussi à Labiénus et à Trébonius de revenir ce même jour, pourvu qu’ils pussent le faire sans préjudice pour la république, afin de délibérer de nouveau, si, après avoir examiné les desseins des ennemis, on pourrait recommencer la guerre.

34. Ils n’avaient, comme on l’a dit, ni troupes réglées sur pied, ni forts, ni villes en état de défense ; ce n’était qu’une populace dispersée en divers endroits. Les bois, les marais, les cavernes, les lieux les plus cachés et les plus sauvages, tout leur était bon, pourvu qu’ils s’y crussent en sûreté. Ces retraites étaient connues du voisinage ; mais il ne fallait pas moins prendre de précautions en y pénétrant. L’armée en corps n’avait à la vérité rien à craindre d’hommes dispersés et effrayés ; le danger n’était que pour chaque soldat isolément, ce qui pourtant touchait en partie au salut des troupes ; car l’avidité du pillage en entraînait plusieurs au loin, et les forêts dont les, routes étaient peu larges et peu frayées les empêchaient de marcher en troupes. Si l’on voulait terminer celle guerre, exterminer cette. race de malfaiteurs, il fallait envoyer plusieurs petits détachemens et tout permettre aux soldats : si, au contraire, on les retenait en corps, attachés à leurs enseignes ; suivant l’ordre et l’usage de l’armée romaine, la nature même du pays défendait les Barbares, qui ne, manquaient pas de courage pour dresser des embuscades, et envelopper ceux qui s’écartaient. Au milieu de ces obstacles, on prenait les précautions convenables ; on aimait mieux ne pas leur faire tant de mal, malgré le désir qu’on avait de se venger, que de trop exposer les troupes pour les anéantir. César envoya donc chez tous les peuples voisins des Liégeois, les inviter par l’espérance du butin à venir piller cette nation ; parce qu’il aimait mieux exposer la vie des Gaulois dans ces forêts, que cette des siens, et qu’il voulait que ces perfides, environnés d’un si grand nombre d’hommes acharnés à leur destruction, périssent entièrement, sans qu’il en restât ni nom ni vestige : l’espoir du pillage ne manqua pas d’y en attirer bientôt un très-grand nombre.

35. Tandis que les choses se passaient ainsi sur tous les points du pays des Liégeois, approchait le septième jour qu’avait fixé César pour se rendre au château de Tongres ; où se trouvaient le bagage et la quatorzième légion. On peut voir ici combien la fortune influe sur les succès mHitaires, et combien elle peut y faire sur venir d’incidens. Les ennemis étaient dissipés et frappés de terreur, comme on l’a dit ; ils n’avaient point de troupes qui pussent causer la moindre crainte ; lorsque la renommée ayant appris au-delà du Rhin que l’on saccageait le pays des Liégeois, et que tous les peuples voisins étaient invités à venir les piller, les nations de la Westphalie voisines du Rhin, lesquelles, comme on l’a fait voir, avaient donné retraite chez eux à ceux de la Gueldre et de Zutphen lèvent deux mille chevaux, passent le Rhin sur des vaisseaux et des barques, dix lieues au-dessous du pont à demi détruit par César, et où il avait laissé une garde : ils entrent dans le pays des Liégeois, ramassent plusieurs de ceux que la fuite avait dispersés, et font un grand