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guerre des gaules. — liv. v.

l’union et la paix parmi la multitude, qui-voit que les plus puissans ne sont pas plus riches que les autres.

23. Un très-grand honneur pour ces peuples, est de voir le pays borné, de tous côtés, par de vastes déserts. C’est, selon eux, une marque de valeur, que leurs voisins aient quitté leurs habitations, et que personne n’ose s’établir auprès d’eux ; d’ailleurs ils s’en croient plus en sûreté, et plus à couvert des incursions subites. Lorsqu’une nation a une guerre offensive ou défensive, elle nomme des chefs pour la diriger, et leur donne pouvoir de vie et de mort. En temps de paix, ils n’ont point de magistrat général ; mais les principaux, chacun dans tour province ou dans leur quartier, rendent la justice et décident les procès. Les brigandages hors des limites de chaque nation, n’ont rien de flétrissant ; ils ne se font, suivant eux, que pour exercer la jeunesse et pour éviter l’oisiveté. Lorsque, dans le conseil, un des principaux d’entre eux s’est déclaré chef de quelque entreprise, afin que ceux qui veulent le suivre se prononcent, quiconque approuve son dessein et consent à l’avoir pour commandant, se lève et lui promet de le seconder, ce qui lui attire de grands applaudissemens : ceux qui après cette promesse, ne le suivent pas, passent pour des déserteurs et des traîtres indignes de toute confiance. Le droit d’hospitalité est sacré chez eux : quel que soit le motif qui vous fasse recourir à eux, vous êtes sûr de leur protection, et d’y trouver un asile inviolable ; toutes leurs maisons vous sont ouvertes et vous y êtes nourri.

24. Autrefois les Gaulois étaient plus braves que les Allemands, et ils portaient souvent la guerre chez eux, et comme ils manquaient de terres à cause de leur grand nombre, ils envoyaient des colonies au-delà du Rhin. C’est ainsi que les cantons les plus fertiles de l’Allemagne situés vers la Forêt-Noire, qui a été connue des Grecs, comme on le voit par Ératosthène et par quelques autres, qui la nomment Orcynie, tombèrent au pouvoir des Toulousains qui s’y établirent ; ils y sont restés jusqu’à présent en grande réputation de justice et de valeur ; ils y vivent encore aujourd’hui dans la même pauvreté la même indigence et la même frugalité que les Allemands, s’habillent et se nourrissent comme eux. Quant aux Gaulois, le voisinage de la province romaine, et la connaissance du commerce de mer, les a mis dans l’abondance et dans l’usage des plaisirs. Peu à peu accoutumés se laisser battre, après avoir été vaincus plusieurs fois, ils ne se comparent plus aux Allemands en valeur.

25. Cette Forêt-Noire, dont on vient de parler, a neuf journées en latitude. On ne peut déterminer autrement son étendue ; car ces peuples ne connaissent point les mesures itinéraires. Elle commence aux frontières de la Suisse, de Spire et de Bâle, et s’étend le long du Danube jusqu’aux confins des Daces et de la Transylvanie. De là, elle tourne sur la gauche dans des contrées éloignées de ce fleuve, et par sa vaste étendue touche aux pays de divers peuples. Il n’y a point d’Aitemand qui dise en avoir trouvé l’extrémité, quoiqu’il ait marché soixante jours, ni découvert où elle commence. Il est certain qu’ette renferme plusieurs bêtes sauvages qu’on ne voit point ailleurs. Voici celles qui diffèrent surtout des autres, et qui méritent le plus d’être remarquées.

26. Il s’y trouve une espèce de bœuf ressemblant au cerf, lequel a au milieu du front une corne plus grande et plus droite que celle que nous connais-