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guerre des gaules. — liv. v.

deux raisons : la première, parce qu’ils ne veulent point révéler au vulgaire leurs mystères ; la seconde, de peur que leurs élèves ayant ces vers écrits, ne cultivent moins leur mémoire ; en effet, il arrive presque toujours que quand on a les choses écrites, on les apprend avec moins d’application. Une de leurs principales maximes est que l’âme ne meurt point, mais qu’à la mort elle passe d’un corps dans un autre ; ce qu’ils croient très-utile pour encourager à la vertu, et faire mépriser la mort. Ils traitent encore de plusieurs autres systèmes sur les astres et leur mouvement, la grandeur et l’étendue de l’univers, la nature des choses, la majesté et le pouvoir de dieux immortels ; et ils les enseignent à la jeunesse.

15. Le second ordre est celui des chevaliers ou des nobles, qui prennent tous les armes, quand, il y a quelque guerre ; et avant l’arrivée de César il y en avait presque tous les ans, soit pour attaquer, soit pour se défendre. Plus quelqu’un parmi eux a de puissance et de biens, plus il a de vassaux et de cliens. C’est la seule marque de distinction qu’ils connaissent.

16. Toute la nation gauloise est fort superstitieuse ; en sorte que, dans leurs grandes maladies, et dans les dangers où ils se trouvent à la guerre, ils ne font pas difficulté d’immoler des hommes, ou de promettre par serment d’en sacrifier, et ils emploient les druides à ce ministère ; ils s’imaginent que la vie d’un homme est nécessaire pour racheter celle d’un homme, et que les dieux immortels ne peuvent être apaises qu’à ce prix : ils ont même établi des sacrifices publics de cette espèce. D’autres ont des statues d’osier d’une énorme grandeur, qu’ils remplissent d’hommes vivans ; ensuite ils y mettent le feu et, les font expirer dans les flammes. Ils choisissent de préférence des voleurs et des brigands, ou des hommes coupables de quelque autre faute : ils croient qu’un pareil sacrifice est bien plus agréable à leurs dieux ; mais quand il leur en manque, ils leur substituent des victimes innocentes.

17. Leur grand dieu est Mercure, dont ils multiplient les statues : ils le croient l’inventeur des arts, le guide des voyageurs dans les chemins et dans les routes, le patron des marchands. Apres lui, les divinités les plus révérées sont Apollon, Mars, Jupiter et Minerve, sur lesquels ils ont à peu près les mêmes idées que les autres peuples. Ils croient qu’Apollon a la vertu de guérir, que Minerve préside aux arts, que Jupiter possède l’empire du ciel, que Mars est l’arbitre de la guerre. La plupart du temps, ils font vœu de consacrer à Mars les dépouilles de l’ennemi, et après la victoire ils lui sacrifient le bétail dont ils se sont rendus maîtres ; le reste est déposé dans un lieu propre à cette destination, et l’on voit dans plusieurs villes de ces monceaux entassés dans des lieux consacrés. Il arrive rarement, qu’au mépris de la religion, quelqu’un cache le butin qu’il a fait, ou ose détourner un objet quelconque de ce qui a été mis en dépôt ; les châtimens les plus cruels sont attachés à un pareil crime.

18. Les Gaulois se disent descendus de Pluton ; c’est une tradition qu’ils tiennent des druides. En conséquence, ils mesurent le temps par le nombre des nuits, et non par celui des jours. Soit qu’ils commencent les mois ou les années, ou qu’ils parlent du temps de leur naissance, toujours la nuit précède le jour. Quant aux autres usages, les Gaulois ne diffèrent guère du reste des peuples, que parce qu’ils ne permettent leurs enfans de paraître devant eux en