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Les ouvrages que nous avons de Frontin et de Polyen, quoique très abrégés, seront long-temps utiles à ceux qui voudront s’instruire des usages militaires et de la tactique des anciens. Leur titre paraît désigner qu’ils ne renferment que ce qui porte véritablement l’empreinte de la ruse et de l’adresse : néanmoins, on y trouve encore des moyens simples et des pratiques communes à la guerre, avec d’excellentes maximes d’ordre et de discipline. Frontin est celui qui en a fait un meilleur choix, et l’on reconnaît de suite qu’il avait fait la guerre et l’entendait. Les dispositions et les manœuvres qu’il décrit, quoique trop concises, se présentent d’ailleurs claires et intelligibles ; telles on reconnaît celle de Paul-Émile contre Persée, celle de César à Pharsale.

Polyen n’a pas suivi le plan judicieux de Frontin, et il n’écrit pas avec le même discernement. Dans le nombre des faits qu’il a rassemblés il s’en trouve plusieurs qui sont d’insignes trahisons et des perfidies indignes d’un homme de guerre. Il est vrai que son septième livre renferme beaucoup de fourberies familières aux Barbares, et que la préface paraît annoncer que ce livre est destiné à faire connaître celles dont ils étaient capables. Cela n’empêche pas qu’il n’y en ait encore plusieurs du même genre répandues dans son ouvrage, et mises au rang des Stratagèmes. Frontin, plus éclairé, n’est pas exempt du même défaut.

J’ai pensé qu’il ne serait pas inutile de discourir sur la nature des ruses permises, afin de prévenir les fausses idées que quelques esprits peuvent concevoir de cette partie si importante de la guerre, surtout en s’autorisant de la lecture de ces deux auteurs. Il est des ruses qu’il ne faut apprendre que pour s’en garantir. L’homme de guerre fait autant profession de franchise et de droiture, que de courage et de prévoyance ; et s’il emploie les ressources de son génie pour vaincre, il déteste en même temps la perfidie, et tout ce qui porte atteinte à la parole donnée ou à la foi publique.

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