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césar.

Malgré cette habile démarche, ceux de Sens, nation des plus puissantes et des plus accréditées entre les Gaulois, entreprirent de faire mourir Cavarinus que César leur avait donné pour roi, et dont les ancêtres avaient même régné sur eux, dont le frère enfin, nommé Moritasgus, les gouvernait, à la première arrivée de César dans la Gaule. Ce prince s’en étant douté, et ayant pris la fuite, ils le poursuivirent jusque sur leur frontière, le chassèrent du trône et de son palais. Après cette action, ayant député vers César pour se justifier, il leur ordonna de lui envoyer tout leur sénat ; mais ils refusèrent d’obéir. Les Barbares furent si fiers que quelques-uns de leurs peuples eussent osé les premiers faire la guerre, et cette hardiesse opéra un tel changement dans tous les esprits, qu’excepté les Autunois et les Rhémois, que César estimait extrêmement, les uns à cause de leur ancienne et constante fidélité envers le peuple romain, les autres pour les nouveaux services qu’ils lui avaient rendus dans ces guerres, il n’y eut presque pas une nation qui ne dût être très-suspecte. Et je ne sais pas trop si en ce point il y a rien de surprenant ; car, sans compter plusieurs autres raisons, il devait surtout paraître bien dur à une nation qui l’avait toujours emporté sue toutes les autres en valeur guerrière, de se voir déchue d’une si glorieuse réputation, et soumise au joug des Romains.

56. Ceux de Trèves et Induciomare ne discontinuèrent point, pendant tout l’hiver, d’envoyer des députés au-delà du Rhin, d’en solliciter les divers peuples, de leur promettre de l’argent, s’efforçant de leur persuader que la meilleure partie de nos troupes ayant été défaite, ce qui en restait était assez peu redoutable. Cependant ils ne purent engager aucun des peuples d’Allemagne à passer le Rhin, et le souvenir de ce qu’ils avaient éprouvé deux fois, dans la guerre d’Arioviste, et lors du passage des Tencthères, les dégoûta généralement de tenter encore une fois la fortune. Induciomare, déchu de toute espérance de ce côté-là, ne laissa pas de lever du monde, d’en exiger de ses voisins, de préparer de la cavalerie, et d’attirer à son service par de bonnes récompenses tous les bannis et les vagabonds de la Gaule ; déjà, grâce à cette manœuvre, il s’était acquis un si grand crédit, que, de toutes parts, on lui envoyait demander sa protection et son alliance, tant en public qu’en particulier.

57. Quand il se vit ainsi recherché, rénechissant que, d’un côté, ceux de Sens et de Chartres étaient déjà engagés dans la révolte, que, de l’autre, ceux de Namur et du Hainaut se préparaient à faire la guerre aux Romains ; et persuadé que s’il pouvait une fois se mettre en campagne il ne manquerait pas de peuples qui se déclareraient en sa faveur, il convoque les états en armes. C’est ainsi que les Gaulois ont coutume de commencer la guerre. Là, d’après une loi qui s’observe généralement parmi eux, tou& ceux en âge de porter les armes sont obligés de se trouver à l’appel ; et celui qui s’y, rend le dernier subit les plus cruels tourmens et est massacré en présence de la multitude réunie. Dans ce conseil, Induciomare fit déclarer ennemi de la patrie Cingétorix, son gendre, et chef du parti attaché aux Romains, lequel, comme on l’a vu, après s’être soumis à César, n’avait point quitté son parti ; et il fit vendre ses biens à l’encan. Ensuite il déclare à l’assemblée que ceux de Sens, de Chartres et plusieurs autres les sollicitent à faire alliance ; qu’il se rendra chez eux par les terres des Rhémois