Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
guerre des gaules. — liv. v.

brusquement par toutes les portes, avec son infanterie et sa cavalerie, mit bientôt les ennemis en fuite, sans qu’aucun osât tenir ferme. On en tua un grand nombre, et tous jetèrent leurs armes.

53. César, craignant de les poursuivre à cause des bois et des marais qui se trouvaient sur le chemin, et jugeant d’ailleurs que c’était pour l’ennemi un assez rude échec que d’avoir été contraint d’abandonner ce poste, joignit Cicéron le même jour, sans-avoir à regretter un seul homme. Là il admira les tours, les béliers, les retranchemens des Barbares ; et, ayant fait la revue de la légion, il trouva qu’il n’y en avait pas la dixième partie sans blessure : d’où il jugea du danger qu’elle avait couru, et du courage qu’elle avait fait paraître, Il d donna au chef et aux soldats les louanges qu’ils méritaient. Il fit aussi en particulier l’éloge des centurions et des tribuns des soldats qui s’étaient le plus distingués, suivant le rapport de leur général et il fut mieux informé par les prisonniers du malheur de Cotta et de Sabinus. Le lendemain il assemble son armée, la console et la rassure, rejette la disgrâce qu’ils avaient essuyée sur l’imprudence du chef, et leur remontre qu’ils doivent la supporter avec d’autant plus de patience que, par la grâce des dieux immortels et par leur valeur, la vengeance en avait été si prompte, que leur affliction n’en devait pas être plus longue que ne l’avait été la joie des ennemis.

54. La nouvelle de cette victoire fut portée à Labiénus par les Rhémois avec une vitesse incroyable ; car quoique son quartier fût éloigné de plus de seize lieues de celui de Cicefon, où César n’arriva qu’à trois heures après midi, cependant par les cris de joie qui s’élevèrent le même jour, à minuit, à la porte de son camp, il comprit que les Rhémois lui apprenaient cette victoire et l’en félicitaient. À cette nouvelle, Induciomare, qui commandait ceux de Trèves, et qui avait résolu d’attaquer Labiénus le lendemain, décampe au plus vite la nuit, et ramène toutes ses troupes dans leur pays. Ensuite César renvoya Fabius dans son quartier avec sa légion. Pour lui, il résoiuf d’aller passer l’hiver aux environs d’Amiens avec trois légions qu’il distribua en trois différens quartiers, parce qu’il ne voulait point s’éloigner de son armée, ni quitter les Gaules, qu’il voyait si agitées : car la nouvelle de la défaite de Sabinus et de sa mort s’étant répandue, presque tous les peuples de cette province pensaient à reprendre les armes ; dans ce dessein, ce n’étaient que courriers et députations qu’ils s’envoyaient partout les uns aux autres pour se communiquer leurs résolutions, et déterminer par où ils commenceraient. Ils tenaient conseil la nuit dans des lieux écartés ; pendant tout l’hiver, il ne se passa aucun jour où César n’eût quelque sujet d’inquiétude, et où il ne reçût quelque avis des projets des Gaulois, et de leurs mouvemens. Il apprit, entre autres, par les lettres de L. Roscius, son lieutenant, auquel il avait donné le commandement de la treizième légion, que plusieurs des nations gauloises de l’Armorique s’étaient réunies pour l’attaquer, et qu’elles n’étaient qu’à environ trois lieues de son quartier, lorsque, sur l’avis de la victoire de César, elles s’étaient dissipées de manière que leur départ ressemblait plutôt à une fuite qu’à une retraite.

55. César, ayant assemblé les principaux de chaque nation, effraya les unes, en leur disant qu’il savait toutes leurs menées, et exhorta les autres à rester tranquilles : par-là il contint dans le devoir la meilleure partie de la Gaule.