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césar.

péril, lance son javelot, selon l’ordre qu’il en avait reçu. Le javelot s’attacha par hasard à une tour, où il resta deux jours enfoncé, sans que les nôtres s’en aperçussent ; le troisième, un soldat découvrit la lettre, et, l’ayant détachée, il la remit à Cicéron. Celui-ci la lut à haute voix en présence de toutes les troupes qui en furent très-satisfaites ; en même temps la fumée des embrasemens que nos légions opéraient partout sur leur route, les assura de leur arrivée.

50. Les ennemis, informés par leurs coureurs que nous avancions, quittent le siége et marchent à nous avec toutes leurs troupes qui pouvaient monter environ à soixante mille hommes. Cicéron profite de leur éloignement et fait partir un esclave du même Verticon dont on a déjà parte, avec une lettre pour César : il lui recommande d’user d’adresse pour n’être pas découvert, et de faire diligence. Dans cette lettre, il mandait que les Barbares l’avaient quitté, et qu’ils marchaient contre lui avec toutes leurs forces. Le courrier ayant rendu ses lettres à César vers minuit, il en fait part à ses troupes, les encourage, et décampe à la pointe du jour. Il n’eut pas fait une lieue, qu’il aperçut l’ennemi au-delà d’un grand vallon traversé par un ruisseau. Il y avait un danger extrême à combattre contre tant d’ennemis dans un lieu désavantageux. D’ailleurs Cicéron n’étant plus assiégé, on n’avait plus besoin de se presser. César s’arrête donc dans le poste le plus propre qu’il peut trouver, et s’y retranche. Quoique son camp fut très-peu étendu, ayant à peine sept mille hommes sans bagage, il se resserra encore davantage, à dessein de faire croire aux ennemis qu’il était peu à craindre. Pendant ce temps, il envoya partout des éclaireurs à la découverte, afin qu’ils examinassent l’endroit le plus commode pour passer le vallon.

51. Ce jour-là on livra quelques escarmouches entre la cavalerie sur les bords du ruisseau ; mais chacun se tint renfermé dans son camp : les Gaulois, parce qu’ils attendaient de plus grandes forces qui n’étaient pas encore arrivées ; et César, pour voir si en feignant d’avoir peur il n’attirerait point les ennemis de son côté en-deçà du ruisseau, afin de les combattre à la tête de son camp ; ou s’il ne pouvait les y attirer, il aurait par-là le temps de reconnaître les chemins, et de traverser avec moins de danger la vallée et le ruisseau. Le lendemain, à la pointe du jour, la cavalerie ennemie vint escarmoucher jusqu’aux portes de notre camp. César recommanda exprès à la nôtre de battre en retraite et de se replier sur le camp. En même temps il en fait de tous côtés élever les fortifications, et fermer les portes ; il ordonne qu’en travaillant à ces ouvrages on affecte beaucoup de désordre et de crainte.

52. Les Gaulois, encouragés par cette terreur simulée, passent le vallon, et se rangent en bataille dans un lieu défavorable. Voyant même que les nôtres avaient abandonné le rempart, ils en approchent plus près, et lancent de tous côtés des javelots dans notre camp, faisant publier, dans tous les lieux environnans, que si quelqu’un, Gaulois ou Romain, voulait passer de leur côté, il le pouvait en sûreté jusqu’à neuf heures, et qu’après ce temps il ne lui serait plus permis. En un mot, ils témoignèrent tant dé mépris pour nous, que quoique les portes de notre camp ne fussent défendues que par un simple rang de gazon, cependant s’étant imaginé qu’il leur serait impossible de les forcer, déjà les uns commençaient escalader le rempart, et les autres à combler le fossé. Alors César, étant sorti