Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
guerre des gaules. — liv. v.

46. Plus le siége devenait grave et terrible pour nous qui avions beaucoup de blessés, et par conséquent peu de soldats en état de se défendre, plus Cicéron envoyait de lettres et de messagers à César ; mais la plupart étaient arrêta et livrés au supplice à la vue de nos soldats. Dans le camp se trouvait alors un homme du Hainaut, d’une famille distinguée, nommé Verticon, qui dès le commencement du siége, s’était rendu auprès de Cicéron, et lui avait donné des preuves de sa fidélité. Ce Gaulois engagea un de ses esclaves par de grandes promesses, surtout par l’espérance de la liberté, à porter une lettre à César. Celui-ci la porte attachée à son javelot, et comme il était Gaulois, il traverse leur camp sans qu’ils se défient de lui ; il arrive auprès de César qu’il instruit du danger où se trouvaient Cicéron et sa légion.

47. Sur ces nouvelles reçues, vers cinq heures du soir, César dépêche à l’instant un courrier au questeur M ; Crassus, qui était en quartier dans le Beauvoisis, environ à huit lieues de lui, et lui ordonne de partir à minuit avec sa légion, et de se rendre au plus tôt auprès de lui. Crassus partit avec le courrier, Il en envoie en même temps un autre à C. Fabius, et lui doline rendez-vous sur les frontières de l’Artois par où il devait passer ; et il mande à Labiénus de se tendre incessamment dans le Hainaut avec sa légion, s’il le peut sans nuire aux intérêts de la république. César ne crut pas devoir attendre le reste de ses troupes, qui étaient un peu plus éloignées, et se contenta de tirer seulement environ quatre cents chevaux des quartiers les plus proches.

48. Le lendemain, vers neuf heures du matin, il eut avis par ses coureurs de l’arrivée de Crassus. Ce même jour, il fit environ sept lieues, et laissa Crassus en garnison dans Amiens avec son corps de troupes, pour garder tout le bagage de l’armée, les otages, les papiers et le blé qu’il y avait fait conduire pour passer l’hiver. Fabius, selon ses ordres, n’ayant pas tardé, le joignit en chemin avec sa légion. À l’égard de Labiénus, ayant appris la mort de Sabinus, la défaite des cohortes et la marche de toutes les troupes de ceux de Trèves qui venaient l’attaquer, il craignait dans cette circonstance, en sortant à la hâte de son quartier, et comme en prenant la fuite, de ne pouvoir soutenir l’attaque de l’ennemi déjà fier de l’avantage qu’il venait de remporter, Il informa donc César du péril qu’il courrait en faisant sortir sa légion de ses quartiers, et de ce qui s’était passé chez les Liégeois, et lui apprit que toute la cavalerie et l’infanterie de ceux de Trèves n’étaient qu’a une lieue de lui.

49. Après avoir approuvé ses raisons, César, quoique déchu de l’espérance d’avoir trois légions, se détermine à partir avec deux seulement, parce qu’il était persuadé que le salut commun dépendait de sa diligence. Il se rendit donc à grandes journées sur les frontières du Hainaut. Il y apprit de quelques prisonniers le danger où étaient Cicéron et sa légion. Sur cet avis il engagea, par l’espoir d’une grande récompense, un cavalier gaulois à se charger d’une lettre pour Cicéron, et il l’écrivit en caractères grecs, afin qu’en cas qu’elle fût interceptée, les ennemis ne pussent connaître notre dessein, il lui recommanda, s’il ne pouvait parvenir jusqu’à lui, d’attacher la lettre à la courroie de son javelot, et de la lancer dans le camp. Il marque dans cette lettre qu’il est parti avec deux légions et qu’il arrivera incessamment ; il exhorte Cicéron à se souvenir de son ancienne valeur, Le cavalier, craignant le