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césar.

et des tortues ; c’étaient les mêmes prisonniers qui les avaient dirigés dans ces travaux.

44. Le septième jour de l’attaque, un grand vent s’étant élevé, ils lancèrent dans le camp des vases d’argile garnis de feu, et des javelots enflammés, sur les huiles de nos soldats, qui étaient couvertes de paille, à la manière des Gaulois. L’embrasement eut lieu aussitôt, et le vent le porta dans tout le camp. Alors poussant de grands cris, comme s’ils eussent été assurés de la victoire, ils firent avancer leurs tours et leurs béliers, et montèrent à l’escalade. Mais telle fut la bravoure de nos soldats et leur fermeté, que, de toutes parts environnés par le feu, accablés d’une multitude innombrable de traits, et bien qu’ils comprissent que leurs bagages et toute leur fortune devenaient la proie de l’incendie, aucun d’eux ne quitta son poste, ne tourna même la tête, tant ils étaient acharnés au combat. Ce jour-là fut très-pénibtepour nous ; mais l’événement en fut tel, que les ennemis eurent beaucoup de morts et de blessés, parce qu’ils s’étaient trop serrés au pied du rempart, et que les derniers empêchaient les premiers de se dégager. Quand les flammes eurent un peu perdu de leur intensité, les Barbares ayant roulé une de leurs tours jusqu’auprès de nos défenses, les centurions de la troisième cohorte s’éloignèrent insensiblement de ce poste, firent retirer tout leur monde, et tant du geste que de la voix, défièrent les ennemis d’entrer ; mais aucun d’eux n’ayant osé avancer, ils furent repousses à coups de pierres, et on brûla leur tour.

45. Il y avait dans cette légion deux braves centurions, nommés Q. Pulfio et L. Varénus, qui approchaient des premiers grades. Ils étaient perpétuellement en contestation sur celui des deux qui l’emporterait, et tous les ans rivalisaient entre eux d’émulation avec une extrême vivacité. Au moment où l’action s’échauffait le plus près des retranchemens : « Que tardez-vous dit Pulfio à Varénus, et quel lieu plus propre attendez-vous pour faire connaître votre valeur ? ce jour décidera de nos différends. » À ces mots, il sort du camp et se précipite au milieu des plus épais bataillons de l’ennemi. Alors Varénus ne peut plus rester dans le camp, et croit qu’il y va de son honneur de le suivre de près. Putno lance son javelot sur les ennemis, et en perce un qui s’avançait : celui-ci tombé mort du coup, tous le couvrent de leurs boucliers, et décochent leurs traits sur Pulfio, sans qu’il ait te temps de se retirer. Dans ce moment son bouclier est percé d’un dard dont le fer reste dans son baudrier ; ce qui l’empèche de tirer l’épée. Alors l’ennemi l’environne ; mais Varénus son rival, qui le voit pressé, vole à son secours. Les Barbares, qui croient Pulsa mort du coup qui avait donné dans son bouclier, l’abandonnent et se tournent tous contre Varénus. Celui-ci va au-devant d’eux l’épée à la main, et, les serrant de près, il en tue un, et écarte un peu le reste ; mais se laissant trop emporter à son ardeur, il rencontre un endroit creux où il tombe. Il y est aussitôt enveloppé. Pulfio vient le secourir à son tour ; et tous deux, après avoir tué plusieurs ennemis, se retirent dans le camp, couverts de gloire, sans avoir reçu aucune blessure. Ainsi dans l’émulation qui régnait entre ces deux braves, la fortune balança tellement ses faveurs entre l’un et l’autre, que chacun d’eux dut la vie à son rival, sans que l’on pût dire lequel avait montré plus de générosité et de valeur.