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guerre des gaules. — liv. v.

se montrèrent des deux côtés de ce vallon, nous attaquèrent en queue, empêchèrent l’avant-garde d’avancer, et engagèrent le combat dans un lieu qui nous était fort défavorable.

34. Alors Sabinus, étonné comme un homme qui n’a pris aucune précaution, s’effraye, court de toutes parts ranger ses troupes, ce qu’il fait même avec crainte, et comme un homme sans ressource ; ce qui arrive d’ordinaire à ceux qui sont obligés de prendre une détermination subite. Mais Cotta, qui avait prévu que cette circonstance pouvait avoir lieu, et qui, pour cette raison, s’était opposé au départ, ne négligeait rien de ce qui aurait pu contribuer au salut commun ; il remplissait le devoir de capitaine, en exhortant et encourarageant les troupes, et celui de soldat en repoussant l’ennemi. Comme la colonne était trop étendue, et que par-là on ne pouvait aisément obvier à tout, ni veiller sur tous les points, on ordonna d’abandonner le bagage et de se former en rond. Cet ordre, quoique assez convenable dans la circonstance où l’on se trouvait fit un mauvais effet, car il découragea nos soldats et augmenta la vivacité des ennemis, parce qu’il semblait avoir été dicté par la crainte et par le désespoir. Un autre mauvais effet inévitable qu’il produisit encore c’est que les soldats abandonnèrent leurs drapeaux pour courir sauver du bagage ce qu’ils avaient de meilleur ; on n’entendait que des cris et des gémissemens.

35. Les Barbares se conduisirent fort prudemment dans cette occasion, car les chefs firent publier dans toute leur armée, qu’aucun n’eût à quitter son rang ; que tout ce que les Romains auraient abandonné deviendrait teur proie, et qu’ils se persuadassent bien que tout dépendait de la victoire. Les nôtres ne leur cédaient ni en courage, ni en nombre, et quoique abandonnés de leur générât et de la fortune, ils mettent toute leur espérance dans leur valeur, en sorte que partout où ils donnaient, ils faisaient un grand carnage des ennemis. Ambiorix, qui s’en aperçut, enjoignit à ses troupes de lancer leurs traits d’une certaine distance sans s’approcher plus près, et de lâcher pied lorsque les Romains viendraient fondre sur eux l’épée à la main ; qu’étant armés à la légère et fort exercés dans cette manière de combattre, on ne pourrait leur nuire ; qu’ils se précipiteraient ensuite sur nous dans notre retraite.

36. Ils exécutèrent si exactement cet ordre, que lorsqu’une cohorte se détachait des autres pour donner, les ennemis l’évitaient par une prompte fuite ; cependant son flanc restait découvert et exposé à leurs traits. De plus, en se retirant vers le poste d’où elle était partie, elle était enveloppée et par ceux qui avaient reculé, et par les autres corps plus proches. Si les nôtres voilaient tenir ferme, leur valeur leur devenait inutile : serrés comme ils étaient, ils ne pouvaient éviter les traits que lançaient de toutes parts des troupes si nombreuses. Malgré tant d’incommodités, et quoique couverts de blessures, nos soldats ne laissaient pas de se maintenir courageusement ; et bien que ce combat eût duré depuis la pointe du jour jusqu’à deux heures de l’après-midi, ils n’avaient encore rien fait d’indigne du nom romain, quand T. Balventius, brave officier et en grand crédit, qui l’année précédente avait été primipile, eut les deux cuisses percées d’un dard. En même temps, Q. Lucanius, ayant aussi le même grade, fut tué en combattant avec courage, et lorsqu’il cherchait à secourir