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césar.

lorsque toutes les forces des ennemis auraient été jointes par les Allemands, ou que nos quartiers voisins auraient reçu quelques échecs ; qu’on n’avait que peu de temps pour pourvoir à sa sûreté ; qu’il croyait César parti pour l’Italie ; qu’autrement ceux de Chartres n’auraient jamais osé se défaire de Tasgétius, ni les Liégeois insulter notre camp avec tant d’insolence ; qu’il regardait l’avis en lui-même, sans songer à son auteur ; que le Rhin était tout proche ; que la mort d’Arioviste et nos précédentes victoires tenaient au cœur des Allemands ; que les Gaulois étaient furieux d’avoir reçu tant d’affronts, de se voir sous la puissance des Romains, et d’avoir perdu leur ancienne réputation dans les armes ; qu’enfin il ne pouvait croire qu’Ambiorix se fût engagé dans une pareille entreprise sans être certain du succès que son avis était sûr de quelque côté qu’on l’examinât, parce que, s’il n’y avait rien à craindre, ils pourraient sans risque joindre la plus plus proche légion ; que si, au contraire, la Gaule était d’intelligence avec les Allemands, on ne pouvait se sauver que par une prompte retraite. D’ailleurs, ajoutait-il, où peut aboutir l’avis de Cotta et des autres ? Si le péril n’est pas aujourd’hui pressant, il nous expose certainement à périr de faim dans un long siège.

31. Cette contestation se prolongeait lorsque Sabinus voyant qu’il ne pouvait faire changer de sentiment, ni à Cotta, ni aux principaux officiers : Suivez donc votre avis, puisque vous le voulez, s’écria-t-il d’un ton assez haut pour être entendu d’une grande partie des troupes ; je ne suis pas celui d’entre vous qui craint le plus la mort ; mais que ceux-ci sachent que, s’il arrive quelque malheur, c’est à vous qu’ils doivent en demander raison, puisque, si vous vouliez dans deux jours ils seraient en état de joindre les quartiers les plus proches pour mieux résister à l’ennemi commun, et ne se verraient pas abandonnés et relégués loin du reste des troupes, destinés à périr par le fer ou par la faim.

32. Sur quoi on se lève, on embrasse Sabinus et Cotta, on les conjure de ne pas tout perdre par leur dissension et leur opiniâtreté ; on leur représente qu’il est également facile de tenir tête à l’ennemi, ou en restant, ou en décampant, pourvu qu’ils soient bien d’accord ; qu’au contraire leur division est capable de tout perdre. On conteste sur cette affaire jusqu’à minuit. A la fin, Cotta ébranlé se rend ; le sentiment de Sabinus prévaut, et l’on convient de partir à la pointe du jour. Le soldat passe le reste de la nuit à visiter son équipage, et à voir ce qu’il emportera ou ce qu’il laissera, Il semblait qu’on ne s’occupât qu’à augmenter le danger, dans le cas où l’on voulût demeurer, ou à excéder les troupes de fatigues et de veilles, s’il fallait se mettre en marche. Dans ces dispositions, on partit à la pointe du jour avec autant de sécurité et avec aussi peu de précaution que si le conseil que l’on suivait ne fût pas venu d’un ennemi et qu’Ambiorix eût été le plus fidèle ami des Romains. Les troupes marchaient sur une seule colonne, avec un bagage considérable.

33. Les ennemis, instruits de notre départ, tant par le bruit qu’ils avaient entendu pendant la nuit que par le trouble qu’ils avaient remarqué dans notre camp, se mirent en embuscade en deux corps, et bien cachés dans un bois qui n’était éloigné de nous que d’environ une demi-lieue, ils nous y attendirent. Quand ils virent la plus grande partie de nos troupes arrivées dans un grand vallon, tout-à-coup ils