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trainer quelque mauvais dessein. Sur ce soupçon, il fit, à tout événement, venir dans son camp le plus de vivres et de grains qu’il put ramasser ; et à l’égard de ses vaisseaux, il employa le bois et le fer de ceux qui étaient hors d’état de servir, pour radouber les autres, et fit venir de la Gaule ce qui était nécessaire pour cette réparation. Comme ses soldats se portaient avec ardeur à cet ouvrage, sa flotte fut bientôt en état d’appareiller, et il ne perdit que douze vaisseaux.

52. Tandis que ces événemens se passaient, la septième légion étant allée au fourrage, selon la coutume, sans que jusqu’alors on eût soupçonné les insulaires de vouloir reprendre les armes, d’autant plus qu’une partie d’entre eux était dispersée dans la campagne, el que l’autre allait et venait dans le camp, ceux qui étaient de garde aux entrées du camp rapportèrent qu’il paraissait une poussière extraordinaire du côté par où la légion avait pris sa route. César se doutant de la vérité, c’est-à-dire de quelque nouveau soulèvement de la part des Barbares, se met à la tête des cohortes qui étaient de garde, marche avec elles à l’endroit d’où venait la poussière, les fait remplacer par deux autres, et ordonne au reste des troupes de prendre les armes et de le suivre promptement. Quand il se fut avancé à quelque distance, il vit sa légion enveloppée se soutenir avec peine, et exposée de tous côtés aux traits de l’ennemi. Comme la moisson était faite partout, excepté dans un canton, les ennemis soupçonnèrent que nous y viendrions chercher des vivres et se cachèrent la nuit dans des bois ; puis, voyant les nôtres dispersés, sans armes, et occupés à couper le blé, ils vinrent tout-à-coup fondre sur eux, en tuèrent quelques-uns, et mirent le reste en désordre ; en même temps leur cavalerie et leurs chariots les enveloppèrent.

33. Voici leur manière de combattre avec ces chariots ils courent çà et là en lançant partout des traits ; la crainte qu’on a des chevaux, et le bruit des roues mettent souvent les rangs en désordre ; et quand ils ont pénétré entre les escadrons, ils sautent de leurs chariots et combattent à pied. Alors les conducteurs des chariots s’écartent un peu de la mêlée et vont se placer de manière qu’ils soient à portée de leurs maîtres, en cas qu’ils se trouvent pressés. Ainsi ces Barbares ont l’agilité de la cavalerie et la fermeté de l’infanterie ; et l’exercice les a si bien formés à cette manœuvre, qu’ils peuvent arrêter tout d’un coup leurs chariots dans une descente, les tourner à droite et à gauche, courir sur le timon, se tenir fermes sur le cou de leurs chevaux, et de là se rejeter très-promptement sur leurs chariots.

34. Nos gens étaient troublés de la nouveauté de ce combat, et César arriva fort à propos à leur secours : son arrivée retint l’ennemi et rassura les nôtres ; mais, n’ayant pas jugé convenable d’engager l’action pour le présent, après être resté quelque temps en bataille dans cet endroit, il ramena ses troupes dans son camp. Cependant le reste des insulaires qui étaient dispersés dans la campagne, voyant les nôtres occupés ailleurs, se retirèrent. Pendant plusieurs jours le temps fut si mauvais, que les uns et les autres n’eurent aucune envie de se battre. Dans cet intervalle les Barbares députèrent en tous lieux, pour animer leurs compatriotes contre nous, en les informant de notre petit nombre, du grand butin qu’il y avait à faire, et de la facilité de recouvrer pour toujours leur liberté, s’ils parvenaient à nous chasser de l’ile. Sur cet avis, ayant assemblé en diligence